Une jeunesse italienne
Après avoir été anglaise, on ne peut plus anglaise au temps de Victoria, avant d’être française jusqu’à sa mort à Aurillac, Cantal, par la vertu de deux mariages successifs, Mary fut italienne , par vocation d’abord , par amour ensuite .Cette période florentine de l’apprentissage fut maintenue dans l’ombre à partir de son premier mariage , mais jamais oubliée. Elle peut être placée sous le patronage de Vernon Lee, personnage essentiel de cette partie de l’histoire, et la direction de John Addington Symonds, qui la conduira avec plus de précision que ne l’a jamais fait Browning.
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L’Italie, Florence ! Mary y vient d’abord avec sa mère et sa sœur. Comme les artistes du Nord, peintres, écrivains ou poètes qui l’ont précédée – et suivie – elle reçoit le choc d’un paysage et d’une culture : couleurs, senteurs, hommes et femmes si différents, physiquement et intellectuellement, de ceux de l’Angleterre victorienne. Vernon, qui survient alors, lui ouvre un monde. Elle a un an de plus que Mary, mais son expérience est plus riche, son indépendance plus réelle, son niveau de réflexion supérieur . A Florence Vernon a voulu vivre, mourir et être ensevelie ; à la cité florentine elle a laissé tout ce qu’elle avait rassemblé dans la villa Palmerini .(47) Bien plus qu’à tous les autres anglais qui séjournent alors en Toscane, elle en offre les splendeurs à son amie. Si leur âge ne peut pas permettre de parler d’apprentissage, la notion de guidance est sans doute valable ; l’Italie était le pays choisi par Vernon, Florence était sa ville , Vernon ouvrit les portes. Et Mary y trouva une sorte de guérison et la force de franchir le passage difficile entre l’adolescence et l’âge adulte.
Florence dans la seconde moitié du XIXe siècle ! Une ville cosmopolite , où les grandes familles italiennes et les anglo-américains tiennent le haut du pavé ? Outre la beauté des paysages et les traces omniprésentes du moyen âge et de la renaissance , y dominent celles du Risorgimento et des libertés politiques tout récemment acquises . En 1870 les troupes italiennes sont entrées dans Rome malgré Pie IX et , le mois suivant, les romains ont voté leur rattachement au royaume d’Italie . En 1871 Rome est devenue capitale du royaume et le 2 juillet 1871 Victor Emmanuel II est entré triomphalement dans la Ville ? Le rêve de Garibaldi, de Cavour et des Rossetti est enfin réalisé .
Mary , comme bien d’autres jeunes anglais –et anglaises – a été élevée dans l’amour de la liberté et l’admiration de ceux qui vouent leur existence à sa conquête , qu’ils soient carbonari ou partisans du Sinn Fein. Florence , comme les autres villes de l’Italie du Nord, symbolise l’esprit démocratique, que les jeunes étrangers attribuent aux cités indépendantes du quattrocento . Ils y aiment la liberté de parole dont sait user.
le peuple , loin de la hiérarchie pesante des démocraties du nord . « L’idéal de la résidence florentine était la maison d’Elisabeth Browning , située entre les vieux palais et les maisons surpeuplées de la classe ouvrière » : on y est en effet à la charnière entre la beauté de l’histoire et celle du peuple victorieux .Quand Mary arrive à Florence , Élisabeth est morte et son vieux mari, rencontré sur les flots démontés du channel, vit à Londres : cela n’empêchera pas Mary de faire des pèlerinages à la casa Guidi , où Élisabeth a écrit un poème socialisant [casa Guidi windows] , pour lequel , bien plus tard, Mary écrira une préface.
« La Florence britannique, objectivement définie dans la deuxième moitié du XIXe siècle, est caractérisée par une notion synchronique de l’histoire .., qui se clôt par une sorte d’identification avec l’esprit du moyen âge et de la première Renaissance (48) ». L’idée d’identification, est sans doute trop forte, je dirais plutôt une volonté de connaître et d’absorber. Les poèmes des préraphaélites renferment une abondance d’images qui renvoient à la Renaissance Florentine ; ceux de Mary de même. D’innombrables anglais passent alors par Florence ; beaucoup y fixent leur résidence (49) . De nombreux artistes anglo-saxons y font des séjours d’étude plus ou moins longs : Charles Fairfax Murray, par exemple, peintre connoisseur, collector and dealer (1849-1919) , qui fut l’assistant de Burne Jones en 1866, de Ruskin en 1871,, puis de Morris et de Rossetti ; Hunt et Spencer Stanhope passent par la ville ; John Singer Sargent, le portraitiste de Vernon et de Mary, y est né. Mary succédait, une dizaine d’années plus tard , à toute cette brochette d’artistes, dont beaucoup avaient fréquenté le salon de Gower street ; elle était en pays connu.
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Se développer contre tous , avait dit Robert Browning. C’est ce que Mary n’allait pas tarder à faire , en Toscane et à Venise, sous la houlette de Vernon et avec l’aide de celui qu’elle reconnut comme son premier maître , John Addington Symonds (50) .
John Addington Symonds était un historien connu, critique d’art, et… homosexuel notoire , bien que marié et père de famille : nous sommes dans l’Angleterre d’Oscar Wilde . Plutôt qu’à Florence, Symonds vivait la plupart du temps entre Venise et sa maison de Davos en Suisse . Il habita longtemps avec un beau gondolier vénitien, peu porté sur les arts ; à côté de lui John A. Symonds eut donc beaucoup de jeunes élèves , hommes et femmes, débutants qu’il était toujours prêt à aider. La sœur du président de la Royal Academy de Londres, Frances Poynter, romancière et correspondante régulière de Symonds , les mit en contact en 1880 . Mary avait alors 23 ans. Ils entretinrent une abondante correspondance , qui dura jusqu’à la mort de l’écrivain en 1893.
« Avec la ravissante jeune poétesse-romancière, (51) Agnes Mary Robinson, il maintint une importante correspondance , analysant son travail en détails, nous dit Phyllis Grosskurth, biographe de Symonds. Il éprouvait tant d’enthousiasme pour ses poèmes sur la vie paysanne , The new Arcadia, qu’il suggéra, suprême compliment, d’en faire l’envoi à Walt Whitman. Quand le recueil reçut une mauvaise critique dans le Spectator, il envoya immédiatement une lettre de réconfort », lui suggérant d’abandonner un milieu mondain trop cruel et de « vivre pour un temps quelque part loin des hommes et des femmes intelligents », ce qui recouvrait sans doute un jugement peu amène sur Vernon Lee, avec qui Mary résidait alors. « J. A. Symonds] semble avoir été plus qu’un peu amoureux de la très excitante Miss Robinson , qui avait seize ans de moins que lui » Il ne s’intéressait pourtant guère aux femmes.. Deux d’entre elles seulement semblent avoir exercé sur lui une certaine attirance : la nièce d’un hôtelier rencontrée à Davos .. et Agnes Mary Robinson : toutes deux étaient blondes , toutes deux étaient ravissantes , toutes deux lui rappelaient sa mère . Mais il ne pouvait être question d’épouser une petite bourgeoise suisse, et il était déjà marié quand il rencontra Mary.
Il fut rapidement en rivalité avec Vernon ; quand il lui écrit, c’est pour lui dire tout le bien qu’il pense de Mary – et , accessoirement , tout le mal qu’il pense d’elle _ : « Je n’ai jamais rencontré un esprit plus beau ni plus agréable [que celui de Mary] ; et ajoutez y son intelligence … » Il est aux petits soins pour Mary : il fait à sa demande ce qu’il refuse de faire pour d’autres, des lettres de recommandation en faveur de gens qu’il n’apprécie pasl : Vernon Lee et son frère, Edward Lee Hamilton ; il supplie Mary de lui rendre visite à Venise ou à Davos, ce qu’elle finit par faire . Quelle que fut sa [supposée] jalousie pourtant, il ne cessa jamais de l’aider et de suivre son travail , ce dont elle lui fut toujours reconnaissante : trente ans plus tard elle en parlait encore à Maurice Barrès. Il est, comme le dit la préface de The end of the middle age , son maître et elle l’avoue comme tel :
« Je vous envoie un petit livre – !! le « petit » livre fait 896 pages -, cher Maître, … Quand je regarde en arrière je vous vois à mes côtés pour toutes mes recherches ; ces dix dernières années il n’y en a aucune qui ne vous ait été confiée, et surtout tous mes rêves d’histoire. … Du présent volume nous avons tellement parlé dans votre bureau à Davos , il y a deux ans. …Nous évoquions les grandes figures du Passé .. et elles renaissaient pour moi »
Les échanges portent essentiellement sur les questions d’écriture, mais pas seulement . L’un et l’autre sont parfaitement conscients du problème posé par leurs amours . Les poésies de Mary peuvent , à la rigueur , passer pour être dédiées à un homme et elle ne semble pas avoir eu la moindre difficulté à ce sujet. Les poèmes de Symonds , surtout dans dans Vagabundi libellus, peuvent plus difficilement faire illusion , Mary s’en est rendu compte et l’a mis en garde : personne ne croira , lui dit-elle , ce que dit la préface , assavoir qu’il s’agit d’expériences imaginaires ; ce à quoi il répond en faisant semblant de ne pas comprendre : « Stella ( l’héroïne) n’a jamais existé , sauf dans ma tête, et je n’ai jamais fait ce type d’expérience avec une femme » Eh oui, justement !!! Contrairement à ce qu’elle essaiera de faire croire plus tard , Mary n’est pas une oie blanche : on s’en serait douté.
Tel fut le premier maître de Mary, après Browning et Walter Peter . Les deux derniers cités l’encouragèrent , lui firent entrevoir ses possibilités et lui insufflèrent du courage . Seul Symonds lui vint concrètement en aide , avec constance et dans la durée . En tout désintéressement aussi, quoi que suggère sa biographe, et en toute lucidité . Dans le monde victorien cette lucidité n’est pas rare, Symonds était bien placé pour connaître les contraintes de cette société, il a semble-t-il eu l’honnêteté de ne rien dissimuler , d’ accepter Mary telle qu’elle était et comme il s’acceptait lui même.
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Vernon Lee est le deuxième personnage clé des années italiennes.
Violet Paget, dite Vernon Lee, est née en 1855, près de Boulogne, en France, et morte en 1935 à Florence (52) . Issue d’une famille anglaise cosmopolite qui vivait entre l’Angleterre, la France, l’Allemagne et l’Italie , elle fut élevée avec son frère Eugène par sa mère et des gouvernante généralement allemandes ; elle parlait et écrivait anglais, français, italien et allemand. Son premier ouvrage, écrit en français, fut publié quand elle avait 14 ans. (53) . Elle fixa son séjour à Florence où sa famille s’était installée dès 1873 , s’installa en 1889 dans la villa Il Palmerino, sur la colline de Settignano au dessus de la ville, villa qu’elle acheta en 1906. Elle y recevait la société florentine et anglaise, sans compter la colonie internationale . Elle publia plus de quarante ouvrages, essais sur l’esthétique, la musique, la littérature, les problèmes de société,… En général elle passait l’hiver à Florence, et voyageait en Europe le reste de l’année. (54)
Son influence sur la vie littéraire et les salons de l’époque fut grande ; comme Mary elle fréquenta les vedettes du préraphaélisme : Dante Gabriel Rossetti, Walter Pater, William Morris, Burnes Jones, etc. Robert Browning fut son ami de toute une vie, comme il fut celui de Mary Robinson .(55) Comme Mary, et de façon bien plus offensive qu’elle, elle conduisit une carrière littéraire très organisée jusqu’à sa mort solitaire.
Les deux futures amies se rencontrent en 1880 à Florence ; elles ont 23 et 24 ans et vivent dans la maison Paget que Mary décrit ainsi : « Elle donnait sur le canal Mugnone, qui , je crois , a depuis été recouvert et planté en jardin… ; seul le plus fin des voiles me sépare de cet après midi de septembre 1880 ; je revois la lumière froide venue du nord qui éclairait cet appartement florentin ; … je peux voir le sol brillant de pierre polie, une mosaïque de marbre, des sièges et tables noirs sculptés, .. les roses dans les vieux pots peints… : devant moi une jeune fille un peu plus âgée que moi d’environ 23 ans . Elle a de beaux cheveux blonds, de bienveillants yeux gris-vert qui brillaient à travers d’énormes lunettes rondes, à la mode du dix-huitième siècle. Je peux voir la haute colonne de son cou, … et tout spécialement ses mains effilées aux doigts retroussés sortant d’une blouse amidonnée… Elle semblait en même temps audacieuse, raffinée, raisonneuse , … et timide. C’était Miss Paget (Vernon Lee) »(56) Devant un souvenir d’une telle précision des dizaines d’années plus tard, est-il excessif de parler de « coup de foudre » ?
Il n’ y avait certainement pas de maison plus agréable – et plus utile – pour un séjour italien que la casa Paget. « Du matin au soir, nous ne paraissions exister que pour nous communiquer nos idées sur les choses.. Un peu après dix heures la voiture était devant la porte ; Madame Paget s’asseyait aux côtés d’Eugène (57) ; Violette ou moi en face ; celle qui était éliminée s’asseyait à coté de Beppo, le pompeux cocher toscan … Je n’oublierai jamais ces promenades matinales sur tous les chemins et routes de campagne autour de Florence ; sur les rives du petit Affrico , où il y a des sentiers venteux et des vallées vertes comme en Europe du Nord ; et le long de l’Arno au-delà des Cascine (hameaux !) où nous autres jeunes filles nous emplissions les bras de myosotis. » (58) . Les promenades – et les hommes . « Dans la maison Paget j’ai appris la diversité de la nature humaine . Combien d’hommes et de femmes , de tous types, caractères et nationalités » Et de citer des irlandais , des russes, des espagnols, un turc ( !) [Musurus Bey, nous lisions ensemble Sophocle] , des français, bien sur , dont Paul Bourget, et des anglais : « Je pense que la Casa Paget doit avoir été un salon » . Certes ! Un salon : encore plus international que celui de son père et bien plus libre car en terre étrangère. Quel meilleur champ d’expériences , dans tous les sens du terme .
La complicité intellectuelle entre les deux femmes est évidente . Mary dédie à Vernon The new Arcadia en 1886 et, après leur séparation, The French procession , en 1909 . Belcaro, écrit par Vernon en 1881 et dédié à Mary Robinson, donne un exemple de cette complicité : le neuvième article y rapporte une discussion tenue sur les collines de Florence par un certain Cyril et un certain Baldwin, transparents représentants des deux jeunes femmes. Le thème en est le rôle de la poésie : l’un (Mary) y renonce parce qu’il ne croit plus qu’elle puisse transformer le monde et l’autre (Vernon) l’encense parce qu’elle est source de bonheur . La discussion s’organise autour d’un des poèmes de Mary, God sent a poet to reform His earth, extrait de A handful of honeysuckle . Il dut y avoir quantité de discussions semblables sur les sentiers toscans.
L’esthétique de Vernon est fondée sur la liberté d’interprétation, la valeur parfaite de l’instant , la sincérité de l’émotion : comment sentir la perfection d’un paysage ou d’une œuvre d’art, c’est ce qu’elle va enseigner à Mary. Tout est beauté, « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent », dit Baudelaire et Vernon écrit : « … [la musique .. de Vivarelli] a une beauté si dominante, si essentielle qu’elle porte avec elle comme l’expression d’un jour et d’un paysage parfait,…une certitude paisible de félicité éveillée, .. un rêve de perfectibilité.. » (59) . Le sentiment de la beauté est personnel, chacun doit pouvoir le découvrir. Vernon l’a nommé the lie of the land (60): « ce je ne sais quoi qui constitue le paysage réel, individuel – le paysage qu’on voit avec les yeux du corps et ceux de l’esprit, le paysage qui ne se laisse pas décrire… Il n’y a pas de mot ou de phrase pour le désigner et j’ai dû l’appeler, faute de mieux, « the lie of the land »… Les rapports de lignes visibles défient l’expression … aucun poète ne peut vous donner.
l’inclinaison d’un champ, le tournant d’une route. Pourtant ce sont les éléments d’un paysage qui constituent son individualité et touchent plus profondément notre sensibilité. » (61)
L’apprentissage du regard, le contrôle des sentiments, le refus de tout romantisme, le rejet de la fioriture, l’effort pour exprimer la sensation pure, et surtout la liberté, c’est ce que Vernon a pu apporter à Mary. La jeune femme n’est encore que poète, l’historienne est en gestation, la critique n’est pas encore advenue . Mais les leçons portent : le deuxième et le troisième recueil publiés par Miss Robinson sont bien supérieurs au premier, ils ne cèdent plus à la facilité, s’éloignent des modes et mythes préraphaélites et ont un accent plus personnel. Tous deux contiennent des poèmes d’amour de dates diverses. Dans le second quelques uns, les plus rares, sont de la même veine que celle du premier : préraphaélites comme le dit Mary elle-même . Les plus nombreux sont l’œuvre d’une femme faite, qui a dépassé les émois de la jeune fille et réfléchi sur la vie ; une femme qui a écrit la biographie d’Emily Brontë (1883) et fait ainsi un gros travail de recherche et de réflexion sur le sort des femmes, donc sur elle même) (62) . L’écriture reflète cette expérience. John Addington Symonds lui a appris le métier, Vernon a fait de l’adolescente une femme et cette femme est un écrivain.
Elles vécurent ensemble à Florence, en France et en Angleterre. D’abord avec la complicité de la famille. Mais en 1882, une brouille survint entre Vernon et Mme Robinson à propos de Mabel. Vernon quitta la maison ; Mary prit son parti contre son père qui disait que Vernon avait « ruiné la paix familiale ». Peut-on dater de ce moment leur vie commune ? La sœur, si proche et si aimée, avait elle subodoré quelque chose que les parents n’avaient pas voulu voir ! Leur liaison ne fut donc pas sans nuages, ce qui est normal ; elle devait durer sept ans, jusqu’en 1887 quand Mary annonce son engagement avec James Darmesteter, qu’elle épousera en 1888.
L’annonce fut un drame pour Vernon : elle le raconte en ces termes : « La semaine dernière j’ai reçu de Mary une demi feuille de papier , qui me dit qu’elle s’est engagée à épouser James Darmesteter, un juif , professeur au collège de France , que j’ai rencontré une fois ( il a apporté une lettre trois ou quatre jours avant mon départ) et elle l’a rencontré trois fois, en incluant celle où elle l’a demandé en mariage ( elle dit en effet que c’est elle qui l’a demandé plutôt que lui elle) … Je ne sais pas comment je me serais portée les jours suivants si la chance ne m’avait conduite dans la maison d’une des plus merveilleusement bonnes et gentilles, simples et solides, créatures, Kit Thomson … » Vernon oublie simplement la longue correspondance échangée entre James et Mary , et ne tient pas compte du fait que James , tout professeur au collège de France qu’il fut , n’était guère en mesure de demander une femme en mariage (63) . Le lecteur sans indulgence retiendra tout de même que , pour ses deux mariages, il semble que ce soit Mary qui ait pris l’initiative . Après tout pourquoi pas ? Et quant à Vernon , si désespérée que ses biographes la jugent , elle se retrouve quand même tout de suite chez la future remplaçante de Mary (64) Morale sévère ou non , à l’époque de Victoria les relations amoureuses n’étaient pas plus simples qu’aujourd’hui.
Liaison ? La nature n’en est guère douteuse. Violet Paget était une cérébrale , certes ; sur ce point elle rejoignait Mary. Elle eut de nombreuses « amies » mais vécut seule . Un ami italien qui l’a connue sur le tard, en parle avec sympathie et mentionne « son isolement , tout sauf heureux » . Le mariage lui faisait horreur : son exécutrice testamentaire, Mrs Cooper Willis, rapporte un de ses propos : des aventures conjugales de mes amies je détourne les yeux (65). Elle dut avoir des difficultés à les détourner des deux mariages de Mary.
Cette liaison , que fut-elle ? A part les dédicaces et les mentions dans la correspondance , les œuvres de Vernon ne donnent pas beaucoup d’informations explicites . Dans sa pièce, Ariane à Mantoue, (1903), Ariane abandonnée chante l’air d’une danse sicilienne :
Let us forget we loved each other much :
Let us forget we ever had to part :
Let us forget that any look or touch
Once let in either of us to the other’s heart (66)
Or ce poème est de Mary Robinson et figure dans An italian garden. Est-il inadmissible d’en tirer des conclusions ?
Mary, elle, est poète, et son sujet, l’amour. Pendant la liaison, deux œuvres ont paru : en 1884, soit quelques 4 ans après leur première rencontre , A new Arcadia dédiée à Vernon,et en 1886 An italian garden , dont le titre renvoie au pays qu’elles avaient choisi. Vernon n’est jamais nommée dans ces vers , sa présence y est constante : « nous ne pouvions exister que pour nous communiquer nos vues sur les choses » ! Nous ne pouvions exister l’une sans l’autre, oserons-nous traduire.
Les deux recueils ne sont pas semblables : forte du succès de son premier volume, Mary commence par suivre les formes – éthérées, souvent stéréotypées – de Honeysuckle : la mort, l’amour – et ce qui va avec, le souvenir, l’abandon, le regret . Cela peut s’appliquer à n’importe qui , ou à personne. Si nous laissons de coté les préoccupations sociales – et l’échec qui s’en est suivi , la plupart des textes sont des poèmes d’amour . Et beaucoup sonnent vrai , surtout ceux de 1886. Au moment où elle songe à mettre fin à leur liaison, Mary rassemble-t-elle les poèmes pour en faire hommage à l’amie abandonnée. Hypothèse plausible .
En relisant An italian garden , on peut se poser plusieurs questions.
Tous les poèmes de ce recueil font ils référence à l’Italie ? Certains, dont le contexte semble plutôt anglais, ont ils été ajoutés parce que Mary les aimait et ne les avait pas encore publiés ?
Tous les poèmes d’amour renvoient-ils à Vernon ? La langue anglaise, avec la neutralité de ses articles, peut laisser un doute quant au sexe de celui qui écrit ou de celui à qui on écrit.
S’il y a eu un premier amour malheureux, ce que nous ne saurons jamais, cela n’expliquerait il pas bien des choses ? Entre autres la présence prégnante et angoissante de la mort et du désir de mort, que j’arrive difficilement pour ma part à attribuer uniquement à une mode littéraire, comme Mary elle-même a essayé de le faire croire. Et le départ de Mary pour l’Italie ?
Pour des parents attentifs un désespoir d’amour aurait pu être une bonne raison de l’avoir laissée vivre à l’étranger? Ils n’auraient fait que suivre la coutume des élites européennes , quand elles désiraient changer les idées d’un rejeton dégoûté de la vie ou insuffisamment persuadé des valeurs morales contemporaines. Malgré les assurances données à son premier biographe, E. Tissot, je me garderai bien d’affirmer à la suite de Mary, que ses premiers poèmes étaient seulement le fruit d’une fertile imagination de jeune fille. Mary Darmesteter – Duclaux, devenue une épouse respectable, ne devait pas tenir à mettre qui que ce soit sur la piste d’un amour de jeunesse, encore moins sur celle d’une liaison plus ou moins saphique. S’il y a eu un premier amour, exclu ou refusé, dont Mary n’a pu se consoler, elle n’a jamais voulu le dire, sauf par allusions dans ses poèmes : l’Amour est un oiseau qui casse sa voix en chantant, l’amour est une rose ouverte jusqu’à ce qu’elle tombe, l’amour est une abeille qui meurt de sa propre piqûre. ../ .. Fleur d’une fleur, / mon cœur seul peut deviner le nom de mon amant, ou le lieu de notre rencontre, ou l’heure la plus heureuse.(67)
Certains poèmes sonnent avec une vérité touchante ; quelques uns tenaient assez au cœur de Mary pour qu’elle se donne la peine de les traduire elle-même en français. Par exemple :
Rifiorita toscana : ô rouge valériane poussée entre les pierres/, dis, comment a-t-il pu s’en aller de chez nous ? / car nous jouions ensemble aux jours de notre enfance .. //.. Ô rouge valériane enguirlandant le mur, / que j’aime le passé ! Je nage dans ses flots. / … / La sirène aime la mer, j’aime le temps passé, (68) / Et, seule sur mon roc, je rêve et chante seule./ Mais nous jouions ensemble aux jours de notre enfance).
Ou bien : Rispetti (69) :
…
V J’ai semé le champ d’amour, mes voiles ont parcouru la mer ; et tous mes semis sont des herbes amères, mes voiles sont déchirées, …, tous les vents ont déchiré et détruit les voiles, tous les vents ont fané et dispersé mes graines, .. laisse moi donc dormir, dormir pour toujours…
IX Aime moi maintenant, ne pense pas à demain, viens, prends ma main et conduis moi dehors, là, dans les champs, oublions nos tristesses, parlons de Venise et des rivages ioniens, parlons des rivages innombrables où nous partirons en chantant quant j’irai bien… .
X Il y a une sirène dans la mer, elle chante tout le jour et tresse ses cheveux pâles ; vous avez vogué sept ans, sept ans sans arrêter, jusqu’à ce que vous arriviez là bas ; c’est là que nous irons, c’est là que nous voguerons loin du monde, pour écouter les jeux des sirènes…
XIV Fleur du cyprès, petite fleur amère, vous êtes la dernière qu’on peut cueillir ; je ne vous ai jamais aimée, vous qui poussez dans les ténèbres ; pourtant vous durez quand les autres se fanent. Fleur du cyprès, je tresserai une couronne serrée sur mes tempes pour apaiser ces images, fleur du cyprès je nouerai une guirlande autour de mon sein pour tuer le cœur qui s’y cache. …
XVI Partons Tristesse, partons – asseyons nous quelque part à l’ombre fraîche. Là vous chanterez et me calmerez tout le jour, pendant que je rêverai au visage de mon amant. .. Berce moi, ô Tristesse, comme un enfant qui souffre, et quand je serai assoupie, alors réveille moi.
Cet amour ne fut peut être qu’un rêve –: « je sais que vous ne m’aimez pas. Je ne vous aime pas, pourtant à la mort de la nuit je souris un peu, rêvant doucement de vous jusqu’à ce que l’aube brille. / Je ne vous aime pas, vous ne m’aimez pas, je le sais ! Mais tout le long du jour je vous hante comme la magie d’un poète et je vous charme comme un chant ../ .. Tout, tout est mort ; nous n’avons rien souffert, nous n’avons rien créé, nous n’avons rien dit. /J ‘ai seulement rêvé qu’assise auprès de vous j’ai chanté sur la colline d’Ida. Là dans les échos de ma vie nous sommes toujours en train de chanter. » (70)
Nous n’avons rien souffert, nous n’avons rien créé , nous n’avons rien dit : il ne peut être ici question de Violet. Cet amour là n’était donc qu’un rêve ! Soit. Mais on peut mourir d’un rêve. Mourir ? Ou partir? Loin, au-delà des mers ! La tentation de la mort et celle de l’oubli façonnent le dernier poème, l’espoir de la guérison y fait de timides apparitions. Berce moi, ô Tristesse et puis réveille moi, le dernier vers des Rispetti n’ouvre pas sur le désir de mort.
L’amour me quitte , je veux mourir. Classique ! Mais Mary est très jeune , la pulsion de vie n’a pas disparu : il faut donc oublier, recommencer, mais ailleurs. Avec l’appui de sa famille, Mary part donc en Italie, à Florence, chez des amis ; elle rencontre Violet Paget. Et sa vie va changer, sous le signe de la relation amoureuse . Libre au lecteur d’estimer à quel point elle rejoint le saphisme : Vernon ni Mary ni leurs amis n’en ont jamais rien dit . Il s’agit certes de la réserve propre à l’amour , il s’agit peut être aussi de ne pas choquer la morale ! (71). Quelle proportion de sensualité, quelle proportion d’idéalisme, la question n’est guère intéressante. Avec Vernon Mary ne pourra pas dire : nous n’avons rien créé, nous n’avons rien dit . La création demeure.
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Et cette création est belle . Placée sous le signe de la Toscane, ses paysages et ses oliviers . Les collines de San Minniato et les Apennins « dessinent une sombre ligne rousse sur le bleu du crépuscule .. Les oliviers sont une vapeur bleue jusqu’au sommet, ils pâlissent en un blanc livide sur le sursaut de l’ intense bleu clair, (72)
Elles y promènent leur amour : « « Qui peut dire la couleur des olives ?
Bleu , vert, gris … ? Vertes ou blanches, ce sont toujours des olives , comme amour est amour dans les tourments et les délices … Nous nous sommes promenées sur la terrasse d’oliviers et nous avons bavardé jusqu’à ce que nous perdions le chemin ; / nous avons rencontré un paysan courbé par l’âge .. il écrasait les peaux de ses raisins dans un vase d’argile ;.. / nous n’avons pas bu et l’avons laissé, mon Amour… Il avait son pauvre vin, nous avions notre amour (73) »..
Et plus loin, : « Nous avons grimpé un matin sur le sommet ensoleillé / où les châtaigniers ne viennent plus, où poussent les oliviers / Au loin le cercle des montagnes gris cendre, la rivière jaune et la gorge en dessous . / “ Retourne toi , as-tu dit, O fleur du paradis ». Je ne me suis pas retournée, j’ai regardé tes yeux ; – Retourne toi , as-tu dit, retourne toi et regarde le paysage – . Je ne me suis pas retournée, mon amour, je t’ai regardée ». (74) Et encore : « Accrochés au mur blanc brûlant / de pâles oliviers se tendent vers la rue étincelante / tu as cassé une branche, tu n’as rien dit et me l’as donnée pour que je m’en évente ; / tu me l’as donnée sans un mot ni un geste, et , pourtant, mon amour, je t’ écoutais, tu le savais / Tu me l’as donnée sans un mot ni un geste : sous les oliviers pour la première fois je t’ ai appelée mienne. (75) ”
Ce sont les petits gestes, les images d’un bonheur simple qui font le souvenir ; l’olivier en témoigne. Et les nombreuses évocations des paysages toscans , des villes et des villages , enchantés par l’amour .
Mais l’amour est imprévisible : « Je ne sais pas comment l’amour a commencé » (76) . Il croît comme les plantes : « au sommet [de la tour Guinigi] poussent deux oliviers, tout seuls, loin des collines, / couronnant la tour ; / nos vies aussi grandissent, croissant avec notre amour »
Pourtant la séparation se profile: « Qui aurait pensé que nous nous retrouverions ensemble / ici sous le regard sévère du couvent et des tours ; / ici avec les feuillages fanés sur les collines au temps d’hiver ; / ici où les oliviers se penchaient et semblaient nous aimer ; / ici où les oliviers chargés de fruits semblent se souvenir / de tout ce qui commença à leur ombre en novembre dernier ; / ici où nous savions que nous devions nous séparer ; / ici où nous savons que nous nous aimerons pour jamais et toujours » (77)
L’incompréhension s’insinue ; Violet est volontaire, impérieuse, sûre d’elle ; Mary est timide et hésitante : [J’ai dit :] « mon cœur est une fleur de basilic, minuscule et pale au bord du précipice ; tu as dit : à chaque moment nous choisissons la racine du basilic ; .. / De même que la mer frappe les rocs, tu as dit : mon âme se heurte à ta volonté stupide ; et pourtant ces eaux qui s’épuisent à tourbillonner décident elles mêmes de leur limites et modèlent à leur gré l’inconscient univers » (78) . Apparemment Vernon voulait et Mary ne se laissait pas facilement modeler !
Violet demande plus que ce que son amie est capable de donner : c’est un vain espoir , écrit-Mary, une fois rentrée en Angleterre, que de croire que quelqu’un comme moi puisse combler ton cœur ( should fill thy heart )(79) ; je ne répond qu’à ton humeur la plus facile, (your easiest mood) ; « Je survole ton âme comme les oiseaux blancs au dessus de la solitude inviolée du désert : éclat momentané des ailes , pause bienvenue qui laisse inchangée l’éternité du sable et du ciel : c’est cela que je suis pour toi ; mais toi, pour moi, tu es le rivage qui enserre l’océan en pleurs, tu es l’océan même face au ruisseau qui saute sur les pierres. Qui, mais qui te donnera le repos ? Les profondes eaux de la mer appellent sans cesse la terre, leur appel demeure toujours sans réponse.
Pourtant , je rêve de notre amour , je méprise tout, la dureté ou la mort d’un ami, le doute , le long déclin, la folie, toutes ces terreurs qui m’épouvantent et s’insinuent en moi, impitoyables. ; car tu as raison, tu es tout ce que j’ai jamais souhaité, la réponse parfaite à la demande de mon cœur, et ma vie est si douce lorsque je t’ai. Pourtant je rêve : un fois l’esquif lancé, combien de gouffres sans fond sous les eaux bouillonnantes ! »
Quels gouffres sans fond sous le bouillonnement de la passion ? Y eut-il recul devant la nature et la force de cet amour ? Il y a l’amour avouable et l’amour sauvage, l’amour acceptable et l’amour refusé : sur les fresques de l’église d’Assise qu’elles visitent ensemble, François tient la main de Pauvreté, comme un fiancé (bride and bridegroom), ; mais aussi, plus bas, « un étranger, pâle et beau, fragile et frêle , attire le regard de Mary : à son cou un collier de cœurs … : Amour lui-même, effrayé et nu, mince et blême, superbe en sa détresse…. / Amour recroquevillé, que bénissent les saints dans leur gloire. Ici il ne peut entrer, si mince et si gelé, nu sans parure de mariage. »
Les deux formes d’Amour. Le premier est plein des promesses de l’avenir ; le deuxième est tentant … et dangereux . Mais « Était-ce sage, ô gardien, de le rejeter ainsi ? Amour est fort et durable, impossible de le lier en enfer. Châtie le, brûle le, il ne meurt jamais ; comme le phénix il renaît, invincible. L’amour que l’on ne peut atteindre, ni trouver, l’amour dont souffre l’âme, imprécis et faible… Attention ce fantôme d’amour conduit à la folie, à la destruction. Car l’Amour nous appelle tous, nous seuls pouvons choisir l’appel ; ce que nous sommes, ce que nous voulons, amour ou haine, tout dépend de l’instant de ce choix » (80)
Mary a-t-elle cédé à l’appel ? Et à quel appel ? Nous ne le saurons pas ! Nous saurons seulement que ce ne fut pas sans lutte, ni pour elle , ni pour Vernon.
La tentation était grande . Les deux jeunes femmes sont très proches … et très dissemblables : faut-il prendre le risque ? Mary mettra huit ans à répondre à cette question ? Car l’amour est tout : my love is more then life to me ; et Violet ne comprend pas – ou ne veut pas comprendre l’angoisse de son amie . Elles ne voient pas les mêmes choses . Mary aime l’Angleterre du nord , « les landes brunes, qu’à l’horizon brosse un crépuscule humide, de ses rayons brumeux, là bas sur les bords sombres des nuages qui s’abattent sur les joncs » Violet peut-elle les voir comme elle ? (81) ? Et les aimer ? Peut elle alors voir la bruyère -« Nulle part, dans les joyaux ou le vin, ne brille la lumière comme sur la bruyère pourpre. J’ai vu cela et l’ai nommé le pays des fées ; peut être ne l’avez-vous jamais vu ? Les landes brunes et les ciels d’orage qui s’embrassent le soir sous la pluie, vous les avez vus – mais ce qu’est la bruyère, je l’ai vu car j’aime la bruyère » (82) . Aiment-elles les mêmes paysages ? Le « lie of the land » est-il le même pour les deux ? La réponse est non. Rêvent-elles de la même vie ? Au bout de sept ans la réponse de Mary sera non ? S’aimer ne suffit pas, encore faut-il tendre au même but, pour pouvoir vivre ensemble !
***
La séparation fut dure pour les deux , dramatique pour Violet. Au sein de ses moors anglais bien aimés , Mary, elle, se souvient des jour heureux : « Nuit, tu es mon désir .. j’entendrai les battements musicaux de ton cœur dans le crépuscule, et les magies que seule la nuit connaît » (83) . La magie italienne « où nous étions seules , toi et moi sous un cyprès dans une nuit sans étoiles … seulement toi et moi » (84) Mais la magie ne suffit pas si elle n’ouvre pas sur un avenir.
Mary partit, elle épousa James Darmesteter, abandonna ses rêves et commença une autre vie. Et Vernon s’abandonna à d’autres amours.
– (47) British library à Florence, fond Vernon Lee : la villa reçut d’innombrables intellectuels de tous pays ; Mary , pendant et après sa liaison, y fit de longs séjours : c’est le paysage vu depuis la villa qui sert de décor à de nombreux poèmes d’An italian garden.
– (48) Rafaele Monti , Of Queen’s garden, ibid. p. 80 : Queen’s garden est le titre du 2me chapitre du livre de Ruskin , Sesame and lilies , Allen , London, 1867 . Le chapitre [de Ruskin] traite de l’éducation des femmes « to become that sort of angel-like psychopomp , an integrator of ²man’s strongest virtues, who, in fact , Ruskin’s ideological extremism aside, was precisely the ideal woman in Victorian society” Cette sorte d’ange psychopompe correspond bien à l’idéal de Mary , fiancée à James Darmesteter , et peut être aussi à Emile Duclaux.
– (49) Ils pouvaient se regrouper autour du consul d’Angleterre, , un personnage fort intéressant : Sir Dominic Ellis Colnaghi , nommé consul général de Sa Majesté en l‘an de grâce 1865 transféra le siège du consulat à Florence en 1872 , où il demeura jusqu’en 1896 . Lié à une grande famille florentine , il reçut chez lui la reine Victoria et toutes sortes de grands personnages . C’était un esthète , il fit un dictionnaire de la peinture florentine , qui sera publié au vingtième siècle.
– (50) Phyllis, J. A. Symonds, Longman , London, 1964 : pp. 222 , 223,;Symonds fut , à la fin de sa vie, un correspondant de Havelock Ellis et contribua ainsi aux premières études sur l’homosexualité.
– (51) Elle était ravissante , il suffit de regarder ses portraits pour en être sûr ; Paul Bourget , la décrit ainsi : « « Un rêve de Shelley qui
marche et qui vit, l’être le plus pur, le plus rare , qui soit au monde » ( lettre d’introduction de Bourget à Urbain Mengin, voir ch. 1 , p. ..)
– (52) Sur sa tombe une inscription : Numina, quae fontes, silvas, loca celsa tenetis/ Nostram animam vestro credimus hospitio (Divinités qui régnez sur les sources, les forêts, les sommets/ nous confions notre esprit à votre hospitalité), in Desforges Michel, préface de Vivarelli, p.17, voir infra note
– (53) 1879 , Biographie d’une monnaie : déjà un essai imaginatif sur l’histoire
– (54) Voir notamment les biographies, dont celle de Peter Gunn, Vernon Lee : Violet Paget, 1856 – 1935, Oxford University press, London, 1964 ; l’article de Nelitta Miletti, Due violette a Firenze, in QUIR, mensile fiorentino di cultura e vita lesbica e gay, n° 13 et 14. Dans la seconde moitié du XXè siècle, le monde universitaire anglo-saxon redécouvre Vernon Lee grâce aux études sur le genre (gender) et l’homosexualité ; il découvre en même temps ses relations féminines exclusives et passionnées, parmi lesquelles Mary Robinson, à partir des années 1880. Vernon Lee est la cousine de John Singer Sargent qui fit d’elle un très beau portrait conservé à la Tate gallery (1881) ; le même John Sargent fit un très beau portrait de Mary Robinson.
– (55) Browning la cite nommément dans un poème , Inapprehensiveness, Asolando, Œuvres , John Murray, London, 1946, p. 749
– (56) Peter Gunn, p. 169
– (57) Le frère de Vernon , qui était handicapé : encore un handicapé dans la vie de Mary !
– (58) Milleti Neritta, Violet Paget, article biographique, Due violette a Firenze, in QUIR, mensile fiorentino di cultura e vita lesbica e gay, N° 13, pp 25-28 et n° 14 pp 29 – 30 [www.culturagay.it/cg/biografia…] ; Gunn Peter ,Vernon Lee, p. 77. Je rappelle que le myosotis est une des fleurs symboles de l’homosexualité féminine !!!!
– (59) Vernon Lee, Antonio Vivarelli, portrait imaginaire.., trad M. Desforges, Ombres, Toulouse, 1991 (première parution dans Forthightly Review, dec 189 1 . Violet Paget était musicienne par tradition familiale.
– (60) Expression difficilement traduisible, quelque chose comme l’essence du paysage ; .)Mario Praz, le pacte avec le serpent , .( Christian Bourgois, 1989,- 1991 ) traduit « l’étendue de la terre » , ce qui est proche de l’anglais mais ne me semble pas contenir les connotations que Vernon essaie d’y mettre.
– (61) In Limbo and others essays, cité et traduit par M. Praz, op.cit.
– (62) 1883 ; C’est une des rares œuvres de Mary qu’aient choisie de publier les responsables de sites de e.book (vu en décembre 2008)
– (63) Voir chapitre suivant
– (64) Peter Gunn, p. 118 .
– (65) Mario Praz, op. cit., rapproche cette attitude de celle de Renée Vivienqui parle de « l’opprobre des noces », des « maternités lourdes » …
qui ont .. « la difformité des outres et des gourdes » et du « troupeau stupide des familles ».
– (66) Oublions que nous nous sommes aimé(e)s / Oublions que nous ayons du nous séparer/ Oublions qu’un seul regard, un seul contact/ un jour, a suffi pour que chacun(e) atteigne le cœur de l’autre.
– (67) Stornelli and strambotti, in An Italian garden
– (68) Ce passage est repris par Anatole France
– (69) Traduit par Mary partiellement pour les strophes I, IX, X, XI et XIV : repris dans l’édition française de 1931, illustrée par Maurice Denis
– (70) Love without wings, in An Italian garden.
– (71) Le regard de l’époque sur le saphisme n’était pas celui d’aujourd’hui. : « les [hommes] ne s’en offusquent nullement ; ils savent le monde des femmes riche d’émotions, d’affectivité et même d ‘une sensualité particulière qu’ils ne songent pas à réprimer parce que, le plus souvent, ils la dédaignent….. Par ailleurs , mis à part quelques médecins, les hommes étaient persuadés que les femmes ne pouvaient pas éprouver un désir érotique autonome en dehors de la sexualité reproductive
– (72) Loss, in A new Arcadia : still lifts a dusky, reddish, line against the blue … the olives are a smoke of blue until the topmost height / they
pale into a livid white against the intense, clear, salient blue…
– (73) We walked along the terraced olive ward , in A new Arcadia : we walked along the terraced olive ward and talked together till we lost the way / we met a peasant, bent with age, and hard bruising the grape-skins in a vase of clay ;… we did not drink and left him, love of mine . .. He had his meager wine and we our love
– (74) We climbed one morning , in A new Arcadia : we climbed one morning to the sunny height / where chestnuts grow no more, and olive grow ; / far off the circling mountains cinder-white/ the yellow river and the gorge below. “Turn round, you said , O flower of paradise ; I did not turn, I looked upon your eyes / “Turn round, you said, turn round, look at the view “ . I did not turn, my love, I looked at you.
– (75) How hot it was , ibid. Across the white-hot wall / pale olives stretch toward the blazing street ; / you broke a branch, you never spoke at all, / but gave it to me to fan with it in the heat / you gave it me without a sign or word, and yet, my love, I thought you knew I heard / You gave it to me without a word or sign ; / under the olives first I called you mine.
– (76) Ibid., flower of the vine : I scarcely knew how love began
– (77) Ibid. , who should have thought : who should have thought we should stand again together, / here with the convent frown of towers above us ; here with the sere-wooden hills and wintry weather ; here where the olives bent down and seem to love us ; / here where the fruit-laden olives half remember / all that began in their shadow last November ; / here we knew we must part and sever ; here where we know we shall love for aye and ever.
– (78) Ibid., flower of the vine : I said : my heart is like a basil flower and none will see it, pallid and minute, .. upon the ledge …; you said , for every hour we choose.. the basil root .. / My heart is full of flowers.. As beats the sea against the rocks, you cried : against your stubborn will my soul is hurled ; and yet these dying waters, spent and swirl’d, their stony limits do themselves decide, and fashion to their will the unconscious world.
– (79) Ibid., Apprehension , I flit across thy soul, as white birds fly / across the untrodden desert of solitude : a moment flash of wings ; fair
interlude / that leaves unchanged the eternal sand and sky. Even such to thee am I ; but thou to me / as the embracing shore to the sobbing see, even as the sea itself to the stone-tossed rill. But who, who shall give such rest to thee ? The deep mid-ocean waters perpetually / call to the land, and call unanswered still… So, dreaming of our love, do I despise / harshness or death of friends, doubt, slow decay, madness, all dreads that fill me with dismay, / and creep about me oft with fell surmise, / for you are true, ; and all I hoped you are ; / o perfect answer to my calling heart ! / and very sweet my life is, having thee. / Yet I must dream : should once the good planks start, / how bottomless yawns beneath the boiling sea !
80(80) – Ibid., Love among the saints.: there they stand, hand in hand, bride an bridegroom gravely met, / Francis and Saint Poverty. .. a native captive fast my wandering fancy took, fair and pale, thin and frail, / round his neck a chain of hearts, Love himself, .. / .. stared and naked, wan and thin, beautiful in his distress. .. / .. crouched Love whom above / all the saints in glory bless. / Here he may not enter in, / cold and thin, naked with no wedding dress. / Yet, o warder, was it wise / thus to spurn him ? .. Love is strong, lasting long, / him thou canst not bind in hell ; / scourge him, burn, he never dies / Phoenix-wise, riseth he unconquerable. .. / Love you cannot reach or find, / love that aches within the soul, / vague and faint , till the Saint cries, beyond his own control. .. / .. Ah, beware ! That phantom Love / drives to madness, and destroys. / Yet to all Love must call / only we may choose the voice / and whatever we are or prove, loathe or love, hangs upon that instant’s choice.
– (81) *voir, c’est connaître, comprendre, aimer
– (82) Ibid , love and vision : brown moors which at the eastern edge / a watery sunset brushed/ with misty rays yon sullen ledge / of clouds cast down on the rushes …never in jewel or wine the light / burned like the purple heather .. I saw it and called it fairy land ; / you never saw it, the chance is ? / Brown moors and stormy skies that kiss / at eve in rainy weather / you saw – but what the heather is / saw I , who love the heather
– (83) An italian garden, Florentine may : night, be thou my desire, et j’entendrai the throb of thy musical heart in the dusk and the magical things only the night can know
– (84) Ibid., Nocturne vénitien, nous errions, only you and I.