Une jeunesse anglaise
En 1878 paraît chez Kegan & Co, éditeur à Londres, un petit recueil de poésies écrit par une jeune fille de 21 ans, fille aînée d’un couple de la bonne bourgeoisie anglaise, George et Frances Robinson. En 1877 Victoria a été proclamée Impératrice des Indes ; l’Angleterre entre dans la phase la plus haute de son développement économique , c’est l’époque qui verra le succès de Kipling, de Browning , des préraphaélites et de l’Aesthetic Movement ? Tout paraît possible alors à un anglais, le monde lui est ouvert. Mais quel peut être l’avenir d’une jeune anglaise ?
La jeune fille vient d’une excellente famille. Elle a reçu la meilleure éducation possible. Elle vit à Londres dans les quartiers bourgeois de la city et passe l’été à la campagne , généralement dans le Surrey, près d’Epsom où ils ont une maison. Elle fréquente les salons intellectuels de la capitale et la demeure paternelle est ouverte aux artistes , écrivains et poètes : si les anglais et les américains y sont les plus nombreux , on y voit aussi des italiens, des allemands et des français . C’est un milieu international.
Mary Robinson parle anglais bien sur , français, italien, latin et grec. A 21 ans, elle a publié un premier recueil de poèmes , A handfull of honeysuckle et trois ans plus tard paraît chez le même éditeur, la traduction d’une tragédie d’Euripide , l’Hippolyte couronné.
A ce stade le lecteur peut penser qu’il a affaire à un parfait bas bleu ; il peut aussi être impressionné par une telle culture. Il admirera alors l’ouverture d’esprit d’un père de famille qui permet à ses deux seules enfants, deux filles, une éducation rare à cette époque, aussi bien en Angleterre qu’en France. Mary et Mabel ont reçu une formation identique à celle de leurs amis masculins ; elles ont été élevées dans le même contexte moral et culturel. Dans cette Angleterre qui règne sur le monde, dans ces dernières années du siècle, ont-elles eu les mêmes chances qu’eux ? C’est une autre affaire.
Les Robinson vivent à Londres sous le règne de Victoria. « Brouillards, fumées, suies, … mais odeurs animales , crottin, cuirs , paille ,etc. Parcs et odeurs florales, fish and ships … senteurs orientales .. , mais parfums de Covent garden ; égouts en cours de construction , halles aux viandes et poissons, brasseries, tanneries … fiacres et chevaux dans le west end mais vie populaire dans l’east end ; atmosphère encore rurale des banlieues » .. Magasin Harrods, ouvert en 1851 mais échoppes dans l’east end , remplies de produits – et de gens – venus du monde entier (1) . Un jeune ami français, Urbain Mengin, qui débarque à Londres et chez les Robinson , décrit à sa mère le choc qu’il a subi : « Le cœur se serre à voir une misère que j’attendais moins, même après avoir lu Dickens . A côté d’employés de banque en tubes et redingotes allant d’un pas élastique et rapide, on croise des femmes et des enfants qui donnent une sorte de pantomime hallucinante Beaucoup d’enfants vont nu-pieds. Beaucoup de femmes ont des souliers d’hommes ; et sur la tête des chapeaux défoncés … » (2)C’est encore la ville d ‘ Oliver Twist et de Vanity fair ; c’est surtout celle de Gustave Doré et de son London : A Pilgrimage (3), une représentation très axée sur les pauvres et les taudis , mais précise.
Certaines scènes comme les docks de Londres y sont dignes de l’enfer de Dante , d’autres montrent Big Ben, Westminster Bridge et une foule de bateaux à vapeur sur la Tamise, le métro peuplé des foules ouvrières, les encombrements de charrois , d’omnibus et de piétons sur le London Bridge, etc. : une capitale à un tournant de son histoire, en pleine industrialisation, avec une population passant du simple au double, préfiguration de ce que seront les urbanisations du siècle suivant. Mary ne devait pas souvent mettre les pieds dans le métro , mais le bruit , les odeurs , le brouillard étaient bien là, dans cette cité qu’elle a chantée. Ils étaient l’infrastructure d’une ville en devenir , tout être jeune y était sensible et se ne pouvait que se dire : « à nous deux Londres » comme le Rastignac de Balzac devant Paris .
Cette ville était sa ville , et Mary l’assumait. Car elle pouvait y voir autre chose que les docks et les manufactures ; y prospérait aussi tout un mouvement idéaliste, créateur d’art nouveau , affamé de beauté et de retour à la vraie nature, celle des arbres, des fleurs et d’une campagne paysanne encore inaltérée. Londres est la ville des préraphaélites, amis de son père, les Morris et les Rossetti, peintres , poètes, décorateurs, architectes, créateurs d’une certaine forme de poésie symboliste, , du modern style et de l’aesthetic movement ; celle des esthètes comme Oscar Wilde , dont Mary fréquentera le salon , avant le scandale, bien sûr. « Nous autres préraphaélites » écrit elle à son confident (4) . En France cela s’appellera le mouvement symboliste et l’art nouveau.
Mary Robinson est poète . Elle veut que son œuvre exprime le contraste entre la première conurbation du monde et la verte campagne du Surrey ou de l’Oxfordshire , entre la brutale laideur industrielle et la beauté idéale rêvée par les poètes et les peintres , ses amis et contemporains ; ces jeunes – et moins jeunes – gens ont un modèle : Dante , celui de l’Enfer et celui de la Vita Nuova . Pour eux comme pour Dante tout est contradiction : violence sociale et inaccessible Amour, puritanisme d’une société bloquée et aspiration à la liberté , laideur quotidienne et beauté idéale… La famille Rossetti, est un excellent exemple ; le père, Gabriel Pasquale Giuseppe Rossetti, carbonaro, s’était exilé d’Italie comme Garibaldi et a prénommé Dante son premier fils, artiste, poète et libéral comme lui. Dante Gabriel Rossetti est au centre du renouveau artistique dans le Londres des années 50 : il est ami des Robinson. L’Italie de Dante et du Risorgimento fait donc partie des modèles avec lesquels grandissent Mabel et Mary.
Comment vivre dans ce Londres multiple, dans cette Angleterre de tous les possibles ? Comment faire pour agir ? Car il faut agir. Transformer l’Angleterre ! Conquérir le monde. Le héros du Conrad d’ Au cœur des ténèbres (5) dit : « La plupart d’entre nous ne sont ni [des saints] ni [des idiots] . Pour nous la terre est un lieu fait pour y vivre , où nous devons nous accommoder des spectacles , des sons , des odeurs aussi .. et ne pas [nous] laisser contaminer. C’est là qu’entre en jeu notre force , notre foi en notre capacité à creuser des trous pour y enfouir tout cela , notre aptitude au dévouement , non pas à soi même , mais à une tâche obscure, épuisante »
Mary eut pu souscrire à cette définition : ne pas se laisser « contaminer » par la bêtise et la vulgarité , s’efforcer « d’enfouir » loin de sa vue et de celle des autres les spectacles par trop « malodorants » que nous offre le monde ; « se dévouer , non pas à soi même mais à une tâche obscure, épuisante ». Comme les jeunes anglais de la conquête des Indes, le héros de Conrad part à la quête d’un ailleurs, qu’il trouvera même s’il n’a pas la forme attendue. Et les jeunes anglaises ? Dans son appartement londonien la seule jeune fille du roman est vouée à l’attente et au mensonge . « Elles (les femmes, j’entends) sont en dehors de ça , devraient l’être » , nous dit le porte parole du romancier : voici qui règle la question, pour un homme du moins . Et pour une jeune femme ?
La famille Robinson est un modèle . Madame Georges T. Robinson est une mère dévouée et une excellente maîtresse de maison ; Monsieur Georges T. Robinson est architecte de métier d’après l’acte de naissance de sa fille aînée, Mary Frances Agnes ; d’aucuns disent « banquier » , ce qui n’est pas incompatible !! Par goût, il est surtout érudit et bibliophile . Sa bibliothèque , vendue après son décès, comprend plusieurs milliers de livres . Le confort qu’il assure à sa femme et à ses filles , y compris après sa mort , les réceptions dans son salon , les voyages , tout cela prouve une aisance certaine . Leur maison , celle de Gower Street d’abord, puis celle d’ Earl’s terrace , à Kensington , est des plus confortables . Mary évoque ce qu’était la deuxième en 1885 ou 86: « Le joli salon et les trois fenêtres de la façade qui donnent sur les hauts arbres de Earl ‘s terrace tandis que les porte fenêtres du petit salon s’ouvrent sur une large terrasse dominant les jardins d’Edwardes square » (6) Et ailleurs : « Earl’s terrace , c’était d’abord deux douzaines de vieilles maisons construites vers la fin du XVIII ème siècle , commodes, pas bien hautes, avec de jolis ornements … – des têtes de lionceaux sculptées au coin des portes, des fenêtres d’un dessin élégant ; un léger rideau d’arbres et un étroit jardin protégeaient du vacarme et de la poussière de Kensington road ces tranquilles demeures » (7) Même si le souvenir de Mary a eu tendance à s’embellir avec les années, dans le Londres de Victoria on devait certainement voir pire. Pour aller de sa maison à celle de leur ami Walter Pater elle n’avait, nous dit-elle, que des jardins à traverser : on est loin des quais du métro décrits par Gustave Doré.
« Nous étions dans ce temps là, écrit Mary, parfois trois jeunes filles dans notre salon d’Earl’s terrace » La troisième était Violet Paget (Vernon Lee ) (8) , qui fit de longs séjours dans la maison, jusqu’au moment où elle se brouilla avec la famille , mais pas avec Mary comme nous le verrons dans le chapitre suivant. Vernon offre un portrait de de Georges Robinson : « un petit homme médiocre , bien qu’intelligent, dur et tyrannique » . Ce qui n’est guère aimable et ne correspond pas à ce qu’en pense Mary , du moins si on en juge par ce qu’elle en dit dans ses livres ou ses lettres . Violet était un pilier de la maison , elle y amenait ses amis et Mary lui présentait les siens. Cela arrangeait les deux jeunes femmes , surtout Violet qui avait des ambitions littéraires. Mais elle accaparait Mary et sa sœur Mabel était jalouse, d’où un drame familial et les rancœurs de Vernon.
Tenu ou pas par un homme tyrannique, le salon paternel était grand ouvert aux intellectuels et artistes du temps : formation incomparable pour de jeunes étudiantes . On s’y faisait introduire pour rencontrer des hommes connus, Dante G. Rossetti, les Morris , etc. . Certains d’entre eux eurent une forte influence sur Mary , par exemple l’écrivain et critique d’art Walter Pater (10) , très célèbre à l’époque. L’un des commensaux (11) s’en souvient fort bien , qui va chez les Robinson pour l’y rencontrer et décrit ainsi la visite: « j’ai rencontré Walter Pater chez Mr George T. Robinson, [dans sa maison de] Gower Street, à cette époque lieu et de rencontre pour les poètes, romanciers, dramaturges, écrivains de toutes sortes, peintres, sculpteurs, musiciens etc., pèlerins venant de ou allant vers la véritable bohème. L’hôte et l’hôtesse avaient la rare faculté de garder et de se créer des amis, et tous ceux qui les connaissaient éprouvaient pour eux une estime affectionnée ; mais les réunions délicieusement informelles (12) où tous se mêlaient si heureusement étaient surtout dues à la brillante jeune apprentie poétesse Miss A.Mary F. Robinson , et à sa sœur, actuellement la romancière bien connue, Mis Mabel Robinson. »
Mary recevait Walter Pater chez son père et le retrouvait chez lui , « assis au coin du feu dans son calme salon gris , ou bien, marchant sans bruit à l’ombre des arbres du jardin » « Il était fort laid, nous dit elle, mais c’était une laideur agréable et distinguée .. il ressemblait .. au portrait de Philippe IV d’Espagne par Velasquez » . Bref il n’était ni beau, ni expansif , ni très drôle . Les trois jeunes filles, y compris Violet Paget, (Vernon Lee) « qui commençait et finissait par nous la tournée de visites qui l’amenait chaque été en Angleterre» – l’aiment et le fréquentent assidûment : non seulement c’est une célébrité mais sa conversation est – parfois – brillante ,.. et instructive : « Je [dit Mary] n’ai connu qu’un autre causeur dont les propos oscillassent pareillement entre l’acquiescement anodin et les périodes étincelantes , – c’était Ernest Renan. » . Ses propos , comme ceux d’un autre de ses amis d’alors , Robert Browning, ouvraient à Mary des espaces insoupçonnés.
Walter Pater ne se maria jamais (la chose est rare à l’époque ; rappelons nous qu’Oscar Wilde était marié et père de famille) ; Pater vécut toute sa vie avec ses deux sœurs, tant à Oxford qu’à Londres ; joint à ses théories esthétiques fondées sur l’empire de la sensation, ce fait particulier contribua à la défiance de l’establishment, mais n’empêcha pas son amitié avec les Robinson : autre preuve de leur largeur de vue ! « Les Pater, (Walter et ses deux sœurs) .. venaient volontiers s’asseoir à notre table de famille, mêlés à nos jeunes cousins , à nos tantes, et rien n’égalait la simplicité de Walter Pater en ces occasions . Il semblait se divertir à partager nos jeux , et risquait parfois une plaisanterie. » Ce fut lui , entre autres, qui initia Mary à la beauté des choses simples : « Un jour je le rencontrai dans l’étroit jardin qui s’étendait entre nos maisons et la rue , il arrivait d’Oxford , ( où il donnait ses cours) l’air rayonnant ; il m’arrêta pour me raconter sa charmante aventure : il avait vu des fleurs qui poussaient dans un champ ! Ces fleurs n’étaient que des fleurs d’oignons . Cela suffisait pour le rendre content comme un enfant .. Il semblait revoir une apparition céleste … La beauté , pour lui, était toujours un message divin» . Savoir jouir des choses les plus proches ! Mary n‘oublia pas cette leçon, qui la suivit jusqu’à sa mort.
A travers lui Mary , toute fille qu’elle fut , avait des rapports avec l’université d’Oxford qui lui réserva d’autres aventures. « Vers 1880 le savant Frédéric Myers (13) … eut l’idée de donner à Londres une comédie de salon d’un genre tout à fait insolite : il voulait faire jouer , en grec, par quelques amateurs, l’Agamemnon d’Eschyle. Les difficultés s’amoncelaient, et , pour commencer, la distribution des rôles n’était guère commode . Il n’y avait pas un grand choix d’acteurs suffisamment hellénistes ; et c’est ainsi, qu’à moi, modeste étudiante de vingt ans, échut le personnage de Cassandre . Grande était ma joie ; j’apprenais par cœur la scène terrible que je devais jouer et, pendant quelques mois, notre maison retentit de lugubres ότοτοϊ lancés par une jeune voix heureuse. Cependant la préparation traînait en longueur, car, si on trouvait preneur , à la rigueur , pour Agamemnon comme pour Clytemnestre, personne ne voulait se charger de ces grands diables de chœurs , dont le sens est souvent impénétrable, et qui demandent une foule d’acteurs . Aussi le projet de M. Myers fit-il long feu – pour être aussitôt repris par je ne sais plus quel collège d’Oxford ; mais, enfin mise sur pieds, la représentation ne comportait plus de rôle de femmes et,- la Reine et la prophétesse devant être jouées par de jeunes hommes – je perdais mon emploi . Pour me dédommager le collège m’adressa une invitation pour la « première » . Ce qui valut à Mary une visite à Oxford où elle séjourna chez les Humphrey Ward (14) , proches de Walter Pater, et vit la fameuse représentation d’Agamemnon : en grec !
Cette petite histoire prouve au moins deux choses : d’abord l’immense culture du milieu londonien où vivaient les Robinson . J’imagine mal une tentative équivalente dans la France de la troisième République, sauf peut être à l’École Normale Supérieure , et encore ! Pour quel public ! Ensuite l’immense culture de notre héroïne, qui n’eut sans doute d’égal que l’intensité de sa déception.
Quarante cinq ans après, Mary Robinson devenue Duclaux et française , peut raconter l’histoire avec la distance de l’humour . Je doute fort que la jeune helléniste de vingt ans prit la chose avec autant de philosophie : sa famille et le milieu intellectuel dans lequel elle évoluait n’avaient pas vu d’obstacle à mettre en scène une jeune fille ; pas les oxfordiens qui se souvinrent opportunément que les rôles de femmes chez les tragiques grecs étaient tenus par de jeunes hommes. Ce n’était sans doute pas la première fois que Mary se heurtait au mur de verre, ce ne serait pas la dernière. La chambre de la jeune fille dut retentir des pleurs suscités par la négation d’une grande compétence . Et le refus des femmes !
Dans le salon de leurs parents les deux sœurs ne rencontraient pas seulement des gens d’âge mûr qui contribuaient à leur formation ; bien des jeunes hommes y venaient aussi, cherchant des soutiens et des mentors . Et ce petit monde s’amusait.
Parmi eux George Moore, le célèbre romancier, qui resta leur ami jusqu’à sa mort (15) Mary Duclaux écrit sur lui, trois mois après sa disparition, un article dans lequel nous trouvons une autre description du salon paternel. Après un séjour de sept ans à Paris , George Moore vient à Londres chercher un éditeur pour son premier livre de poésie : « Il avait alors vingt quatre ans … et j’en avais dix neuf . Je n’avais encore rien publié mais on savait que je faisais des vers , et je travaillais le grec à force , à l’University College, seule de mon espèce dans une classe de jeunes hommes. … Introduit chez mes parents … Moore se lia vite d’amitié avec ses deux jeunes contemporaines [Mary et sa sœur Mabel] . Je me rappelle très bien cette première visite et l’impression qu’il nous fit. Il avait l’air d’un peintre, avec sa barbe , sa lavallière , sa jaquette de velours noir. Il n’était pas beau, il y avait même quelque chose de vaguement comique dans son allure… C’était peut être seulement qu’il avait l’air étranger dans notre docte petit cercle d’artistes et de savants. … Si Moore nous semblait étrange, nous avons du lui paraître au moins aussi curieuses. Nous vivions dans un petit monde fermé, Mabel et moi. Ce soir là, (Moore me l’a souvent rappelé) nous portions avec la même simplicité qu’une débutante met à s’habiller d’une blanche mousseline , des robes compliquées et moyenâgeuses qui traînaient de toutes parts sur le tapis , lacées sous les bras par de longs cordons d’un or volontairement terni. Bref l’habit des statues de la façade de Chartres » En 1876 la mode gothique était quelque peu dépassée en Angleterre, mais les préraphaélites la maintenaient, et Mary à leur suite.
Moore passait souvent les voir, dans ses passages entre Paris et l’Irlande. Tous trois étaient « jeunes et gais » ; Moore , « après tant d’années passées loin de sa langue natale, souffrait le martyre auprès de nous lorsqu’il faisait des fautes d’orthographe ; on cherchait umbrella sous la rubrique des O » . Les jeux étaient du genre littéraire dans les salons londoniens à la mode , ou dans le « cottage » que possédait la famille Robinson « sur le communal d’Epsom, au milieu des ajoncs et des vaches ». C’est dans le salon des Robinson à Earl’s terrace que George Moore , qui a trouvé sa voie vers 1886 ou 87 , rencontrera son idole et son modèle littéraire , Walter Pater, que lui présentera une Mary « distraite, distante, se retirant dans les coins [ dont] les pensées volaient déjà vers la France » (16)
Notre poétesse n’est pas seulement un jeune fille qui songe à s’amuser , fut-ce aux dépens de ceux qu’elle admire ou aime. Il y a chez elle une tendance que sa famille et ses amis connaissent bien : parmi les nombreuses occupations auxquelles Miss Mary Robinson permet de la distraire de sa vraie vocation, l’écriture, ils en remarquent une autre : celle de soro consolatrix .Tous les jeunes artistes en difficulté ou en détresse qui viennent chez les Robinson peuvent compter sur elle . L’un d’eux (17) par exemple avait reçu de Dante Gabriel Rossetti une lettre d’introduction ; il va chez les Robinson en fin d’après midi, « à ce moment heureux où la dernière lumière du jour et la lueur du foyer ne sont pas effacées par une lumière plus brutale » . Suit une longue description de Walter Pater, à côté du piano, écoutant ce que lui disait en riant Mary Robinson et sortant presque tout de suite de façon abrupte. C’est Walter Pater qu’il venait rencontrer mais l’écrivain en herbe décrit aussi, un peu étonné, la relation de Mary avec un poète aveugle, Philip Bourke Marston (18) : « en 1880 ou 1881 il se passait rarement une semaine sans que Miss Robinson consacre au moins une ou deux heures dans l’après midi à lire et converser avec l’ami qu’elle admirait tant et dont elle avait pitié. » Ce souci des malheureux et des handicapés de la vie frappe le jeune observateur : c’ est sans doute une des clés de la vie de Mary, en tout cas c’est celle de son mariage avec Darmesteter.
La formation que reçurent Mary et Mabel n’est que peu différente de celle des garçons de leur âge et de leur milieu, au moins sur le plan intellectuel. ; c’est la meilleure formation que leur père put fournir et elles en furent reconnaissantes. Un an de pensionnat à Bruxelles , pour apprendre le français , et aussi, -c’était un des objectifs de ces maisons huppées – l’art de tenir une maison . De cette pension, qui n’a rien à voir avec celle que décrit Charlotte Brontë, elles ne semblent pas pourtant avoir gardé le meilleur souvenir ! Peut être , si l’on en croit Mabel, parce que trop éloignée de parents très aimés. Cet exil dura moins d’un an. Puis vint l’Université.
Oui ! En 1876 / 77 ! L’University College de Londres (19) . Mary y étudia les cultures classiques , et Mabel , les beaux arts . Mary , seule fille dans sa classe , comme elle nous l’a dit , en était fière : parmi les – rares – papiers laissés derrière elle après sa mort dans sa maison d’Auvergne , figure le certificat de fin d’étude de l’U.C.L. , « magna cum laude » .
Telle était la famille, telle était la maison des Robinson : libre et ouverte à tous . Avec une légère tendance à la distance vis à vis de la contrainte sociale . Milieu d’artistes et d’écrivains à la mode mais souvent contestés, lieu de rencontre pour toutes les nouvelles tendances artistiques , le salon paternel ne peut que donner envie d’agir, de participer à ce foisonnement d’idées , de créer comme les jeunes hommes qui le fréquentent et y cherchent, à travers les rencontres, leur voie vers l’art, et si possible la gloire . Cette gloire qu’obtiendront les amis de jeunesse, les Henri James, John S. Sargent ou George Moore . Mais c’étaient de jeunes hommes, leur chemin était pavé de difficultés, ardu, mais ouvert .
Et celui de Mary ? Elle publie des poèmes , écrit la biographie d’Emily Brontë, se veut historienne et se présente comme telle : à preuve la dédicace à elle faite en 1881 par Jules Barbey d’Aurevilly pour son roman , Un prêtre marié : « à Mademoiselle Mary Robinson, un romancier français à une historienne anglaise » (20). Un homme eut pu , s’il le voulait, suivre ce chemin . Mais Mary ? En aura-t-elle la possibilité , et surtout le courage et la force ?
Que meilleur environnement pour un apprentissage dans les années 1870 ? Une famille artiste et cultivée, et l’Université . Mary a de la chance . Mais l’apprentissage se joue aussi ailleurs : il se fait avec les expériences , à travers les rencontres diverses de maîtres qui ouvrent les voies et vous font prendre conscience de ce que vous êtes . Deux hommes jouent ce rôle , deux hommes plus âgés qu’elle . Le premier est Robert Browning (21) ; le deuxième , John Addington Symonds,(22) que nous retrouverons au chapitre suivant , en concurrence avec Vernon Lee . Mary présentera l’œuvre de Robert Browning chez Grasset, et celle de sa femme bien aimée, Elisabeth Barrett-Browning dans la préface à Casa Guidi windows . Elle dédiera à Symonds l’ Hippolyte couronné et The end of the middle age. Browning était – et est toujours – considéré comme un des premiers poètes de langue anglaise. Pour une jeune poétesse en devenir , peut il y avoir plus grand maître, au sens idéal du mot ? J. A Symonds ne sera jamais un idéal , mais un conseiller et un maître , au sens éducatif du terme.
Robert Browning a 45 ans de plus que Mary ; c’est donc un vieux monsieur qu’elle rencontre pour la première fois , dans des circonstances romanesques ,(23) : en bateau , retour de France , sur le pont , avec son chat « natif du quai voltaire » « mis dans une cage à oiseau » .
« Ah , que nous étions malades, Minette et moi ! » . Alors un vieux monsieur vient à son secours -« Il me semblait bien vieux, il avait tout près de soixante six ans »: c’était Robert Browning . « Ah, gloire à Neptune ! m’écriais-je ; je suis contente d’avoir été malade ». Et de continuer : « Robert Browning fut un des grands amis de ma jeunesse … Il n’était pas exempt de l’affabilité banale des hommes célèbres ; un peu de l’encens qu’on lui prodiguait flottait encore dans sa parole. ..Pour moi il fut exquis.. N’étais-je pas alors une jeune fille délicate, maladive même, qui lisait les poètes grecs et faisait des vers ? Celles là, toutes, il les recevait dans son cœur : un reflet de sa chère morte les éclairait. ». Après le premier volume de vers, « que Robert Browning fut bon pour moi alors, auguste à la fois simple et paternel ! » Ils parlaient d’Élisabeth .
Le vieux monsieur, veuf d’Elisabeth Barrett, l’amour de sa vie , n’était pas insensible à un joli minois, surtout quand il s’accompagnait d’une vive intelligence et d’une grande culture. Ils se revirent donc et c’est ce que Mary rapporte dans la préface aux œuvres de Browning publiées dans les cahiers verts (24) : « Browning fit venir de Florence ses livres, ses tableaux, ses meubles et s’établit dans une maison dont le stuc moisi, le portique trop mince, la vue sur le canal désert, les arbres penchés ne manquaient pas d’un certain pittoresque morne… Je me rappelle bien cette villa confortable et mélancolique de Warwick-Crescent, le canal désuet, la route humide » : c’est là qu’elle lui rendait visite.
Le maître racontait ses souvenirs, lisait ses poèmes, la jeune femme écoutait religieusement : « J’entends la voix du maître qui loue la beauté romantique et pure flottant autour de Pompilia ( l’héroïne de The Ring and the book), la victime, et la puissance presque sauvage du raccourci qui décrit son assassin. » Bien entendu ils parlaient littérature, Browning était ému par l’admiration de Mary . Lui rappelait-elle Élisabeth ? Possible . Les deux femmes , à près d’un demi siècle d’intervalle, se ressemblaient , sinon physiquement , au moins par leur enthousiasme et leur amour de la liberté. Il lui donna donc des conseils , sur l’écriture et sur la vie , comme quelqu’un qui eut pu être son grand père. « Je me rappelle le vieux barde consolant mes inquiétudes de jeune âme aux prises avec un monde trop éloigné du rêve ; il me disait de perfectionner mon petit talent et de ne pas me soucier du reste . – follow your star ! – me disait-il , souriant, le doigt levé … Le monde était pour lui une sorte de pépinière destinée à produire des plantes plus ou moins parfaites et non pas à offrir au regard un spectacle ordonné. La société est peu de chose, l’âme individuelle seule importe : c’est en nous développant contre tous que nous remplissons notre devoir envers Dieu. »
Que fut-il pour elle ? Un maître ? Non : il était bien trop centré sur lui même et trop peu attentif. Plutôt un modèle , celui du poète qu’elle aurait bien voulu devenir et du but qu’elle n’atteindrait jamais . Une image aussi , celle là essentielle : celle d’un couple d’amants , tous deux poètes, chacun se comportant en égal de l’autre, chacun soutenant et comprenant l’autre : un vrai couple quoi ! Dans la vie et non seulement dans l’imaginaire, à la différence du couple rêvé, celui de Dante et Béatrice . La preuve tangible qu’un rêve peut s’incarner dans la réalité contemporaine ! Mary ne fut pas la seule de sa génération à en avoir la nostalgie, elle la partagea avec bien d ‘autres, dont Barrès , de qui la curiosité fut à l ‘origine de leur liaison quelques trente années plus tard. Elle ne cessa de les lire, s’imbiba de leurs œuvres, les poèmes, et les lettres malgré la gêne : :« un indiscutable malaise émeut une fibre restée vivace dans notre âme ..quand nous lisons des pages écrites pour deux yeux seuls, depuis longtemps éteints ; et pourtant comment ne pas les lire, ces lettres ? » Elle les lut donc, rêva d’une destinée semblable : s’ils l’ont pu , pourquoi pas moi ? Comme but , puis comme regret, cette image l’accompagna toute sa vie .
Se développer contre tous , disait le vieux monsieur ; ne pas se laisser handicaper par « un monde trop éloigné du rêve » C’est ce que Mary n’allait pas tarder à faire , avec l’aide de celle qui, après sa famille, fut au cœur de sa vie pendant ces années de formation , Vernon Lee, et l’appui de celui qu’elle reconnut clairement comme son premier maître , John Addington Symonds.
En attendant qu’elle fit le pas décisif qui la conduirait loin de sa famille, en Italie, à Florence, vers une destinée indépendante et une première forme d’amour humain , à quoi rêvait la jeune fille sous le toit protecteur de Kensington ?
A l’amour d’abord. A la gloire ensuite . Quoi de plus naturel ?
Mais l’amour est rarement heureux : il est ambiguë, spirituel et charnel ; il est ouverture vers la beauté idéale et risque mortel. Pour les femmes d’avant la contraception chimique, il est toujours lié à la mort. C’est pourquoi, quand elles en avaient le courage – et la possibilité – tant de femmes ont cherché à le fuir : par la vie religieuse. par l’amour de Lesbos, Malgré les pressions sociales qui fonde sur les femmes le pouvoir masculin de se survivre !
Pour les hommes victoriens ce n’est plus d’ambiguïté qu’il s’agit, c’est de séparation totale . D’un coté il y a l’amour idéal , la Béatrice dont on rêve dans un tableau ou un poème , et de l’autre la sexualité ; d’un coté il y a la famille et les enfants, fondements de la société, et de l’autre des compensations d’un autre ordre, avec d’autres qu’une épouse qu’on respecte trop pour lui faire vraiment l’amour. La prostitution est condamnée par la morale, bien sûr ; les amis des Robinson , – Dante Gabriel Rossetti pour ne parler que de lui -, s’en accommodaient fort bien . Sous Victoria , en France comme en Angleterre, il y a le mariage, union sociale vouée à la reproduction du patrimoine et de la famille, il y a l’amour sexuel vénal auquel seuls ont accès les hommes, – et apparemment ils ne s’en privent guère – et il y a l’amour inaccessible dont rêvent les poètes. Sauf rare exception, les trois sont séparés, et bien séparés.
Voilà pour les jeunes hommes ! Et les jeunes femmes ?
Sur ce point l’éducation qu’avaient reçue les deux filles de M. Robinson n’avait pas fait d’elles des oies blanches. Leur première chance, dont elles furent tout leur vie reconnaissante, ce fut l’amour dont elles furent entourées, qui admettait la liberté de connaître et d’agir. Cet amour leur accordait l’autonomie ; il se fondait aussi sur la solide morale prônée par l’église anglicane et le sens du devoir dû à soi même , à sa famille, à l’Angleterre. Et le premier devoir est de se conformer, au moins en apparence , à ce que la société attend de vous.
Les Robinson avaient confiance en leurs filles sur ces points essentiels de leur éthique, certains qu’elles n’y manqueraient jamais. Leurs parents les traitaient en adultes, leur accordaient la plus grande liberté compatible avec les préjugés de l’époque, même un peu au-delà , et tenaient grandes ouvertes les portes de la culture et de la connaissance, sans interdit. Aucun souvenir de Mary ne rapporte le genre de défense ou de précaution à propos des « choses de la vie » à quoi font allusion les mémoires des jeunes femmes françaises de sa génération , ou de la génération suivante qu’elle connut de près à travers la famille d’Émile Duclaux. Si elles ne pouvaient tout expérimenter, elles pouvaient tout -ou presque tout – savoir. Juste le genre d’éducation opposée à celle assurée à ses enfants par le révérend Patrick Brontë et que Mary décrit dans la biographie : « [leur] enfance abandonnée, [leur] ignorance sans appui, n’en appelaient pas à son cœur » (25) . Mary et Mabel eurent l’amour , le soutien et surtout la confiance de leurs parents, quoi qu’elles fassent. Mais justement élevées comme elles l’avaient été, elles ne pouvaient rien faire de bien condamnable.
Les deux sœurs Robinson ont eu un rapport particulier au mariage. Mabel ne se maria jamais ; la légende familiale, dont le fondement m’a toujours échappé, disait qu’elle fut amoureuse d’un indépendantiste irlandais et ne put l’épouser (26) . Mary épousa par amour un intellectuel français affligé d’un très gros handicap. Ses biographes soupçonnent un mariage blanc, ce qui est loin d’être prouvé, mais la composante sexuelle n’en était certainement pas l’essentiel. Puis, en secondes noces, un savant de vingt ans son aîné, déjà malade et qui mourut cinq ans après. Quand la jeune Mary parle d’amour, ce n’est évidemment pas à des expériences physiques qu’elle pense.
Chez Mary Robinson , il n’y a aucune ambiguïté : l’amour dont elle rêve n’est pas le mariage , bien que les deux ne soient pas incompatibles , voir les Browning ; il est l’idéal mais un idéal intimement vécu qui résonne comme bien plus qu’un thème littéraire. Et quant à la gloire , aucune de ses œuvres de l’époque n’ose clairement la revendiquer, bien qu’il en soit souvent question , mais d’une façon très générale .
Lisons A handfull of honeysuckle , (Une poignée de chèvrefeuille) : c’est d’abord un recueil de poèmes d’amour.
Nous y rencontrons le fatras de dames à hennin veillant aux sommets des tours et de damoiseaux fidèles qui meurent au loin en rêvant d’elles : nul, à l’époque, n’échappe au style troubadour. Autour de cela on peut évoquer pèle mêle les constructions gothiques de Viollet-le-Duc ou Louis II de Bavière, les fauteuils à dossier droit et ornements contournés de William Morris et les vases de Gallé. La littérature française a beaucoup donné dans ce travers à la fin du siècle, ainsi que la peinture ; nous l’avons trop oublié en faveur des Baudelaire ou des Rimbaud, des poètes maudits, et du salon des refusés.
L’Angleterre, plus rétive aux tendances révolutionnaires dans l’art, a beaucoup moins pratiqué le rejet ; Victoria survécut à Napoléon III, Londres ne connut pas la commune ; seul Oscar Wilde fut assez imprudent pour se croire au dessus des conventions bourgeoises et Mary fréquenta son salon quand le maître de maison était encore fréquentable. Les artistes anglais en général s’arrangèrent de l’hypocrisie ambiante assez bien pour recevoir des commandes officielles et publier des œuvres reconnues. Mary Robinson ne fit pas exception à la règle ; elle publia un recueil de poèmes, qui eut son petit succès. Elle publia aussi la traduction d’Euripide , un exercice d’école , comme elle l’avoue elle même : « Désireuse de mêler l’utile et l’agréable, [je] crus que le meilleur moyen d’y parvenir [à la maîtrise du grec] serait de traduire en vers l’une des grandes œuvres classiques » (27) Traduire, soit ! Mais publier ? On ne peut s’empêcher de penser que la jeune personne, entre 1878 et 1881 cherche une certaine publicité littéraire .
Donc les dames à hennin, les fées, les tours crénelées, etc. Mais les Préraphaélites Brothers (PRB) ont été fondés par D. G. Rossetti et William Morris, entre autres, en 1848 , quelques dix ans avant la naissance de Mary ; cela date un peu . Pour Mary pourtant , si le préraphaélisme est une mode, elle lui convient parfaitement ; le lecteur la sent heureuse de célébrer les âmes errantes à la recherche de l’amour perdu, les anges musiciens rêvant de paradis, les héros médiévaux offrant leurs souffrances à leur dame. Leur monde est le sien, elle ne s’est jamais senti bien dans le réel ; « J’avais, hélas, écrit-elle à John A. Symonds en janvier 1879, toujours considéré les personnes réelles comme des modèles commodes pour des livres et des tableaux » : c’est une profession de foi que n’aurait pas reniée un préraphaélite . Pourtant elle en perçoit le ridicule : un an plus tard elle écrit au même : « nous autres, préraphaélites, … nous sommes ridicules, il faut l’admettre » (28) .
Ridicule et irréalisme ? La jeune poétesse, qui ne serait pas fâchée d’avoir du succès, adhère à la doctrine préraphaélite dans ce qu’elle de plus éthéré, puisqu’elle réussit . Ce n’est pas une raison pour prendre au sérieux « les gens très ordinaires [rencontrés dans les salons] qui passent, tous autant qu’ils sont, pour les plus grands génies de tous les âges » (29) . Le bon sens et l’humour ne l’abandonnent jamais. Ajoutons à sa décharge que l’art académique anglais , « vers 1850 » juste avant sa naissance est selon ses propres termes « dans ses plus tristes jours : – un art d’anecdote et de commerce, ignorant la beauté, oublieux de l’idéal, qui ne pouvait contenter une jeunesse ardente et pleine de foi » (30). Jeunesse dont à l’évidence elle fait partie.
Hélas , écrit-elle ! C’est explicite . Le recueil est dans l’air du temps, mais il y a autre chose, qui en fait pour nous l’intérêt .Cet autre chose n’est pas le réalisme. Dans A handfull of honeysuckle Mary Robinson sacrifie certes, une fois, à l’obligatoire manifestation socialisante : un poème, parmi quarante huit, sur la chanteuse des rues. On pense à Pixérécourt ou Eugène Sue : dans la rue, sous la pluie et la neige, sauvage et sans loi, la chanteuse va chantant tant que ses pas la portent, les anges aiment la beauté de sa voix : elle chante pour un peu de pain et de pitié. Est-elle trop vile pour que la choisisse Celui qui récolte son âme dans sa voix ? Tout le poncif de la rédemption ! Aristide Bruant n’eut pas mieux fait! Personne ne peut dire que ce poème ajoute à la gloire de Mary.
Pourtant elle fera un effort louable pour ajouter cette corde à sa lyre : ce type de poème constitue la moitié du recueil suivant , A new Arcadia, qui , lui, reçut une mauvaise critique .Mary en fut désolée et faillit renoncer. La mode apporte la reconnaissance sociale ; et la reconnaissance sociale permet d’agir. Mary voulait agir. Mais la poésie peut-elle , doit-elle être utile ? Et si elle doit l’être, à qui d’autre qu’aux pauvres, aux soutiers de l’ère victorienne ? Interminable sujet de discussion entre elle et Vernon Lee avec qui elle vivait quand le recueil parut (31) . Pourtant Mary n’était pas faite pour cette forme de sujet, elle qui passait de la maison paternelle de Gower Street ou Earl’s terrace aux salons à la mode et aux grands magasins Harrods, sans salir ses souliers autrement qu’en montant dans un des innombrables fiacres ou en foulant les allées ratissées des jardins londoniens . Une femme convenable ne sort ni sans chapeau ni à pieds. Elle continuera à agir de même quand je l’ai connue dans son extrême vieillesse, juste avant la dernière guerre, lorsqu’elle et sa sœur appelaient un taxi pour partir en visite et ne traversaient à pied la rue de Varennes que pour se rendre en face, aux Invalides, visiter les gueules cassées qui y étaient encore hébergées.
Elles avaient de la misère une connaissance convenue. Ma mère et ma grand mère s’amusaient de cette attitude, partagées entre un étonnement légèrement scandalisé, le rire et une admiration affectueuse . Grand-mère Duclaux, comme elles l’appelaient, n’a par exemple jamais songé à dispenser de travail une femme de charge affectée par un deuil familial ; peut être croyait-elle vraiment à ce qu’elle disait : la sensibilité n’est pas l’apanage des classes laborieuses, tout le monde le sait. Elle se donnait donc assez de recul pour être gênée le moins possible par les problèmes des autres : certains autres , pas tous, ceux qui n’étaient pas de son monde, ceux auxquels elle n’était pas attachée . Cela n’excluait pas une grande gentillesse, un intérêt sincère pour qui vivait près d’elle – non avec elle. Elle fut capable d’envoyer Émile Roux à l’autre bout de Paris pour prendre des nouvelles de sa bonne, malade, ce qui lui valut de la part du Directeur de l’Institut Pasteur qui s’était exécuté, une réponse gentille mais légèrement ironique. Roux aimait beaucoup Mary mais il avait le sens du ridicule.
Telles étaient les contradictions de la charité victorienne ! Son inefficacité, son inadaptation au monde industriel sera patente lors de la grande guerre. Les bourgeoises de cette génération furent bien obligées de l’admettre, mais ce fut une démarche intellectuelle ; dans leur vie quotidienne, dans leurs relations familières, elles ne purent jamais l’accepter ; le clivage du monde en classes était aussi naturel que les divisions géographiques.
Mary n’était donc pas vraiment bien placée pour chanter les héros populaires . L’intérêt de ce premier recueil de jeunesse est bien autre. Deux thèmes y sont récurrents , la nature et l’amour ; ce sont des thèmes préraphaélites mais ils sonnent vrai. Cette sincérité fit leur succès qui étonna l’éditeur : le petit recueil, contrairement à toute attente, fut légèrement rentable.
En 1896 (32) elle commente ainsi le tableau de D. G. Rossetti, l’annonciation (1851), qui choqua fort le bourgeois anglican ; l’image est celle de la vierge, « sans manteau bleu » (!), comme une jeune fille du peuple, en chemise de nuit dans une pauvre chambre « de pensionnaire », face à un « ange sans ailes : « c’est du réalisme, si l’on veut, mais du réalisme transformé en symbole », nous dit-elle. Définition qui s’applique à ses poèmes. Comme celui de Dante G. Rossetti, le réalisme de Mary tient dans les détails ( fleurs, paysages, décors…) mais l’œuvre vise bien autre chose que la pure représentation de la réalité , elle vise ce que la réalité est sensée montrer, la vérité sous la forme du symbole : pour le Rossetti du tableau il s’agit de la vérité religieuse . Pour Mary ce sera la vérité de l’amour.
Les tableaux de Rossetti ou Morris, pour ne parler que d’eux, sont remplis de jardins pleins de fleurs, comme les tapisseries médiévales dont ils s’inspirent ; le thème est anecdotique ou symbolique , la flore parfaitement réelle. De la même façon Mary chante le printemps , la jeunesse .. et l’amour. Le bonheur n’est pas sur terre et la beauté s’évanouit , thème classique . Le Ronsard de Mignonne, allons voir si la rose… traite le sujet comme une exhortation à jouir ; les préraphaélites – et Mary – le vivent dans la tristesse, comme s’ils y voyaient l’ impossibilité du bonheur :
Chante, hurle, ris, danse, le printemps est avenu, l’hiver a été lent à mourir. Mais regrette un peu l’hiver, printemps de l’an dernier, frappé au cœur par le premier souffle du printemps. Toi, moi et cette année neuve, nous chantons : la mort réduira nos chants au silence. (33)
La mort hante le petit recueil. D’abord dans une tristesse sereine, où ne perce aucune violence, pas la moindre révolte :
Les clochettes des près remplacent les pissenlits, je ne m’en soucie pas : les roses fleurissent quand les fleurs des champs se fanent. Mais les roses aussi faneront comme les pâquerettes ; et j’oublierai qu’elles ont jamais vécu. (34)
La mort ! Et les souvenirs littéraires :
Derrière le paradis il y a une forêt où vont les amants malheureux, à demi reconnus, à demi oubliés ( half remembered, half forget) ; là sont Orphée, Sapho et Lancelot, half remembered, half forget ; Jason et Médée, Rosamonde et la belle Haulmière, half remembered , half forget ; .. amants, j’espère que votre jeunesse.. sait comment Amour peut devenir peine, half remembered, half forget. (35)
Toute jeune fille rêve d’amour ; il est plus rare qu’elle le situe toujours dans un ailleurs inaccessible et qu’il ne soit jamais lié au bonheur. Il est curieux de voir qu’une jeune fille, qui n’a jamais vraiment souffert et vit dans un milieu protégé, puisse si tôt envisager l’absence de bonheur à venir.
Hier je reposais à l’ombre sur la pelouse ; un faune m’y rejoignit ; nous nous sommes bâti une maison de fleurs, nous y faisions des libations lorsque les cloches noyèrent nos chants et nos vœux ; la lumière du ciel disparut et nous nous dîmes adieu. Nous avions oublié, lui qu’il était mort, et moi, que je dois mourir. (36)
Un psychanalyste ferait ses choux gras de ce faune évoqué par une vierge qui ne peut l’accepter que parce que tout le monde sait qu’il n’existe plus et ne présente donc aucun risque pour elle. La présence de la mort, d’une certaine façon, garantit l’absence du danger. Et, puisque l’amour est à ce point dangereux, ne vaut-il pas mieux ne pas l’éprouver dans sa réalité sexuelle mais dans l’imaginaire, n’évoquer que sa finitude dans l’oubli, l’absence des corps, le souvenir ?
La mort est aussi un passage. Prégnance des mythes païens et chrétiens : le Léthé, le Paradis : les amants se rejoindront, mais ailleurs .
Viens avec moi au lac Léthé puisqu’ Amour est mort …Bois avec moi au lac Léthé, au fond, toujours plus au fond. (37)
Je connais un pays de tranquille repos : ni désir, ni dégoût, ni souffrance n’y parviendront jamais …chacun y dépose son fardeau …Là mon amour et moi nous étendrons et dormirons ; un pays si lointain qu’aucun soupir, aucun son, aucun souvenir de la terre ne l’atteindra. (38)
Quel dégoût, quelle souffrance, quel désir peut avoir expérimentés une jeune anglaise privilégiée de dix huit ans ? Son premier biographe, Emile Tissot, avait conclu à des amours de jeune fille « aussi blancs que le pouvait souhaiter l’âme la plus scrupuleuse , mais réels » . Réponse de Mary, alors Darmesteter : « Cette psychologie de jeune fille [celle supposée par E. Tissot], .. pour moi du moins elle n’est pas vraie. A vingt ans j’étais encore toute à mes vieux bouquins… l’amour était intéressant puisque c’était dans la Vita Nuova, mais ce qui me passionnait bien davantage , c’était une ballade d’Henri de Croyes, une manche à la Véronèse ou une théorie de Platon.. » (39) J’ai du mal à croire tout à fait la femme de trente ans , mariée et heureuse, qui repense sans indulgence à ses imaginations de jeunesse. Ne s’agirait-il pas plutôt de la peur ? Celle d’avoir à éprouver du dégoût, de la souffrance ou du désir ?
Parmi les nombreuses tragédies grecques , c’est l’Hippolyte porte couronne d’Euripide qu’elle choisit de traduire, en vers . Et le texte , quoique porteur d’une morale familiale et sociale qui n’a rien à envier à celle de Victoria, contient des passages d’une rare violence qui inspirèrent Racine . Quelle image de la femme véhicule-t-elle ? Que pense Hippolyte de ce fléau funeste ?
« le père qui l’a mise au monde et l’a élevée y joint une dot pour la faire entrer dans une autre famille et s’en débarrasser. L’époux qui reçoit dans sa maison cette plante parasite se réjouit ; il couvre de parures sa méprisable idole, il la charge de robes, le malheureux, et épuise toutes les ressources de son patrimoine. .. Je hais surtout la savante … car ce sont les savantes que Vénus rend fécondes en fraudes, tandis que la femme simple, par l’insuffisance de son esprit , est exempte d’impudicité.. »
Ces discours nous rappellent quelque chose , et Mary choisit de les traduire avant d’avoir pu lire Stuart Mill ou les moqueries de Taine dans Thomas Graindorge. Ils devaient bien éveiller dans son esprit des résonances sur la condition des femmes ,- sa condition donc – , qui n’étaient pas seulement celles qu’on peut tirer de la beauté des textes grecs.
Le monde victorien n’est pas un monde romantique et, même à l’époque romantique, en France ou en Angleterre, les jeunes filles des classes nobles ou bourgeoises attendaient d’être mariées pour oser ressentir une passion dont la réalité leur demeurait cachée . L’Elise de Lamartine était dûment mariée comme le fut la Charlotte de Werther ; Manon Lescaut comme Atala en sont mortes. On voit mal Mary amoureuse d’un homme marié, forcément plus âgé qu’elle, ou de quelqu’un d’inépousable selon les critères de la société dans la quelle elle vivait . Un artiste par exemple, non rattaché d’une façon quelconque à une institution universitaire, n’était pas envisageable : « pour de respectables anglais de l’an 1831 un peintre était quelque chose entre le tailleur pour dames et le maître de danse, » écrit Mary dans la Revue de Paris (40) ; une génération plus tard cela n’avait pas beaucoup changé, elle devait le savoir . Tout est possible cependant, la femme respectable – et mariée – ne peut officiellement que le nier. Mary était passionnée , mais très rationnelle, ce qui n’a jamais empêché la souffrance.
Si ce que pense Tissot est vrai , Mary ne pouvait que refuser un tel amour . Ne fut-ce qu’à cause de ses parents d’abord , à qui elle n’aurait jamais fait une telle peine, comme le montrent les hésitations qui précédèrent ses deux mariages. Elle vivait dans un monde où les femmes pouvaient avoir des flopées d’enfants, en devenir folles comme l’épouse de Thackeray, être abandonnées sans pouvoir ni obtenir un divorce – la loi était ainsi faite que seuls les hommes y parvenaient vraiment – ni vivre avec un autre sans être mise au ban de leur société, même si, comme George Eliot, elles étaient considérées comme un des plus grands auteurs de leur époque. Pire enfin, combien d’entre elles mouraient en couches ? Mary Robinson Darmesteter ne put épouser Émile Duclaux que parce que sa première épouse, mère de ses deux fils , était morte d’une fièvre puerpérale. La réalisation d’un désir présente beaucoup plus de risques que son rêve : on peut comprendre qu’une jeune fille sensible, cultivée et intelligente hésitât devant un tel destin ! Il vaut mieux rester dans la pénombre, éviter la lumière trop crue du jour. A vingt ans Mary préfère fuir devant la crudité, la cruauté du réel :
La vie est un long fleuve aux ondes claires, mais on y boit l’eau salée des larmes ; chacun s’épuise à le suivre, chacun y verse l’urne qu’il porte, longeant les berges pour toujours. Dieu les a condamnés : ils ont souffert et n’ont pas osé une fin interdite ; après la mort, pour que la Vie ne puisse être oubliée, ils traînent le fardeau de leurs peurs et de leurs pertes, et remplissent le fleuve de leurs pleurs. (41)
Ce monde vaut l’enfer de Dante. A quel point une éducation et une société ont-elles pu brider son élan vital pour qu’une jeune fille, qui possédait toutes les chances que son milieu pouvait lui offrir, et même un peu plus, en vienne à chérir par moments une telle représentation de la vie et l’hypothèse de la mort ?
Elle peut rêver d’amour ,impossible bien sûr ! Elle peut rêver de mort . Mais passer du rêve au réel ? Faire face à la lumière , au jour où tout apparaît sans ombre, dans la crudité du monde ? Mary préfère les temps intermédiaires, l’aube, le crépuscule, l’automne, la nuit comme attente du jour. Et les voies de passage : le fleuve, la mer. Entre un présent qui n’offre pas de vraie sécurité et un futur auquel rien – et surtout pas la religion – ne permet de faire confiance, il y a le temps incertain de l’attente : c’est en lui que se situe Mary.
Je suis seule et j‘attends en pays étranger, près de flots inconnus, sur des rives désertées. Qui me consolera, le ciel gris, la mer grise, ou Amour qui languit loin d’ici ? Vent triste, je ne peux te suivre, mon sauvage désir est trop faible et trop lent pour le rejoindre, Celui qui languit loin d’ici. (42)
Quel aveu ? malgré sa sauvagerie le désir [wild desire] est trop lent et trop faible ; Mary ne franchira pas le seuil.
Dieu, donne moi l’Amour ! Donne moi le bonheur silencieux, âmes qui se rencontrent, yeux et mains qui se répondent, un cœur qui me comprend, le frémissement du baiser volé. Ou donne moi – je peux me lasser de tout cela – donne moi la paix dans l’inimaginable pays de la Mort. … Laisse moi chanter, mon Dieu, et j’abandonnerai le sourire de l’Amour pour les yeux plus doux de la Mort. Mieux vaut vivre un long deuil glorieux qu’un amour inconnu dans un muet paradis ; ni peine ni désespoir ne me tortureront longtemps puisque mes chants peuvent les rendre agréables. (43)
Là perce le bout de l’oreille . Puisque l’amour est introuvable et la mort impossible, il faut vivre..
Réveille toi ! Debout !
Quelle trompette soudaine appelle les vents endormis ? Quelle voix les met en garde, crie dans la nuit muette, et trouve un écho dans ma voix ? Est-ce le jour du jugement ? … J’entends des esprits étrangers qui pleurent dans ma voix : éveille-toi, debout. Monde endormi dans l’ivresse, lève toi, défie ta fin. Personne n’a entendu, et dans mon cœur brûle le mot imprononçable, un glaive y est plongé jusqu’à la garde. (44)
On peut gloser sur le « mot imprononçable » [unutterable word] ; on peut douter qu’elle l’ait jamais prononcé. Il y avait pourtant en elle l’énergie de le vivre : sous quelle forme l’a-t-elle vécu ?
La volonté d’exister prend chair dans et s’appuie sur l’écriture : écrire peut la sauver.
Le monde est mon habit ; je suis là , ciel et enfer dans ma main ; mon sourire est vie, mon soupir mort ; hommes et dieux passent , je suis le commencement et la fin , je suis Dieu, je suis vouloir (45)
L’éducation victorienne ! Ses parents peuvent être fiers d’elle : elle n’a jamais cédé , ni à la facilité , ni au désir, ni aux faiblesses du corps. Comme pour Emily Brontë chez Mary « l’indignation naturelle ouvre les portes de la parole », qui stigmatise « la contradiction entre la vie et les représentations autorisées de la vie [The unlikeness of life to the authorized pictures of life]. La fille du pasteur espère en la gloire du Christ , la fille de l’architecte n’y croit plus depuis longtemps ; toutes deux ont recours à l’imaginaire contre un monde qui ne leur fait pas la place qu’elle souhaitent. L’éthique qui a conduit leur vie est la même : citons la conclusion de la biographie : « Il est rare qu’un homme , encore moins une femme , ait le don inestimable du génie et n’en ait jamais fait une excuse pour une faiblesse, une violence , une chute . Son œuvre , mais aussi sa vie s’élèveront pour la glorifier , elle qui vécut si bien sans gloire” (46) .Ni le génie d’Emily, ni le « petit talent » (sic) de Mary ne les ont jamais autorisées à abandonner cette austère morale.
C’est ainsi qu’on renonce à devenir un Rimbaud, … ou un Browning. Chez une femme la parole ne peut conduire à la gloire : un tel devenir est tout simplement impossible . Des premières épreuves de sa jeunesse Mary conclura au renoncement : elle n’obtiendra pas l’avenir d’action dont elle rêve ; elle obtiendra par contre ce qu’elle retrouvera plus tard chez Nietzsche : la volonté et la maîtrise de soi . Domine toi puisque tu ne peux dominer le monde. C’est une leçon qui n’est guère contemporaine !
– (1) Collectif, Londres 1851 – 1901, l’ère victorienne ou le triomphe des inégalités , Paris, Autrement, novembre 1990
– (2) Robert Mengin, Monsieur Urbain par les témoins de sa vie, Fischbacher , Paris, 1984, p. 107
– (3) série de 180 gravures publié en 1872
– (4) John Addington Symonds : voir chapitre suivant
– (5) Au cœur des ténèbres , 1ère éd. : 1889 ; Autrement , Paris, 2006 , pp. 82 sq.
– (6) Souvenirs sur Georges Moore, in Revue de Paris, mars-avril 1933 ; Mary ne peut préciser la date de la visite de Moore évoquée dans le texte.. George Augustus Moore ( 1852 – 1933) : romancier, poète, auteur dramatique et critique d’art d’origine irlandaise.
– (7) Walter Pater, in Revue de Paris, janvier – février 1925 :Walter Pater , 1839 – 1894 , auteur entre autre d’une Histoire de la Renaissance , qui lui valut des accusations d’agnosticisme, d’immoralité et d’épicurisme. Professeur à Oxford , il partageait son temps à l’époque entre Oxford et Londres . Que la famille Robinson ait laissé ses filles fréquenter assidûment un individu aussi controversé est un exemple supplémentaire de son libéralisme ; ajoutons y le fait qu’ils accueillaient chez eux , entre autres, Wilde.
– (8) Vernon Lee est le pseudonyme de l’écrivaine anglaise Violet Paget ( 1856, – 1935,) : romancière, auteur dramatique et critique d’art ; citation dans la biographie de Vernon Lee par Peter Gunn.
– (10) Walter Pater , 1839 – 1894 , auteur entre autre d’une Histoire de la Renaissance , qui lui valut des accusations d’agnostici d’immoralité
et d’épicurisme . Professeur à Oxford , il partageait son temps à l’époque entre Oxford et Londres . Que la famille Robinson ait laissé ses
filles fréquenter assidûment un individu aussi controversé est un exemple supplémentaire de son libéralisme ; ajoutons y le fait qu’ils
accueillaient chez eux , entre autres, Oscar Wilde.
– (11) William Sharp : (12 September 1855 – 12 December 1905) ,écrivain écossais, poète et critique littéraire, qui écrivit aussi sous le nom de Fiona Mac Leod et édita entre autres Ossian.
– (12) Promiscuous : Oxford dict. : taken from a wide range of sources, especially without careful thought.
– (13 ) Frederic William Henry Myers était le fils du Rev. Frederic Myers et le frère du poète Ernest Myers. Etudiant à Cheltenham College, et au Trinity College, Cambridge il publia en 1867, un long poème, St Paul, qui eut du succès et fut suivi d’autres oeuvres.. Il écrivit aussi des livres de critique littéraire . Il est également connu pour des recherches psychiques sur l’inconscient et la survivance de l’âme ( 1893 ,Science and a Future Life.) , s’appuyant sur la psychologie mais aussi sur les phénomènes supranormaux , ce que cite Mary dans l’article.
– (14) -M. et Mme Humphrey Ward restèrent des amis de Mary , après avoir été ceux de Taine ; Mrs Ward était romancière ; Emile Roux raconte dans une lettre avoir hésité a venir chez Mary pour rencontrer des gens aussi célèbres ; Roux était un modeste !
– (15 ) Revue de Paris, mars 1933, pp. 110 – 130 : George Augustus Moore (1852 – 1933) : romancier, poète, auteur dramatique et critique d’art d’origine irlandaise ; durant les années 1870 il étudia l’art à Paris, où il se lia avec d’autres artistes français de l’époque, comme Manet, qui fit son portrait. Moore fréquentait le salon de Geneviève Halévy ou l’on croisait Rejane, Lucien Guitry, Paul Bourget ou Edgar Degas ;. Geneviève Halévy était la tante de Daniel Halévy , biographe et ami de Mary Duclaux . Comme quoi tout se recoupe !
– (16) Souvenirs de George Moore, cités par Mary Duclaux ; lors de la rencontre de Moore et de Pater, Mary avait déjà décidé d’épouser Darmesteter et s’était soumise à l’attente demandée par ses parents ; d’où la remarque de George sur son attitude lointaine.
– (17) William Sharp voir note supra
– (18) Philip Bourke Marston, (1850-1887), devenu aveugle à la suite d’un accident d’enfance, ami de Dante Gabriel Rossetti.
– (19) Couramment abrégée UCL , l’university college, partie de l’Université de Londres, offre toujours une des meilleures formations du Royaume Uni. C’est la première à avoir admis des jeunes filles parmi ses étudiants. Les jeunes françaises durent attendre bien plus longtemps.
– (20) l’ouvrage – avec la dédicace – figure dans la bibliothèque d’Olmet, la maison auvergnate d’Emile et de Mary Duclaux
– (21) Robert Browning : 1812-1889, poète et dramaturge britannique, reconnu comme l’un des deux plus grands créateurs poétiques de l’Angleterre victorienne, Elisabeth Barrett Browning , 1806 – 1861 est la plus célèbre des poétesses victoriennes.
– (22) Grosskurth Phyllis, J. A. Symonds, Longman , London, 1964 : pp. 222 , 223 notamment. John Addington Symonds (1840 – 1893) : poète et critique littéraire anglais ; c’est l’un des premiers avocats d’une certaine forme d’homosexualité qu’il appelait « l’amour de l’impossible »
– (23) Grands écrivains d’outre-manche, Calmann Lévy, Paris, 1901, in 8° ( 2è éd.) pp 174 – 269 : Une première version de ce chapitre parut dans la revue de Paris, en septembre – octobre 1898, pp. 295-317 & 788 – 816
– (24) Grasset, Paris, 1922 , cahiers verts, n° 12, 1922, n° 5
– (25) Mary Robinson , biographie d’Emily Brontë
– (26) Son troisième roman, The plan of Campaing, tourne autour du Home rule (1887)
– (27) Ernest Tissot, Princesses des lettres, Payot , Lausanne, s.d. (circa 1909°p 259 – 270
– (28) Lettre de janvier 1879 à J.A.S., citée par S. Marandon, p.24
– (29) Ibid.
– (30) article sur D. G. Rossetti,, Revue de Paris, juin 1896
– (31) La discussion anime toute une partie de Belcaro, le livre de Vernon dédié à Mary F. Robinson (London ,Satchell & co, 1883
– (32) Revue de Paris, juin 1896
– (33) A handful of honeysuckle, Winter and spring, (hiver et printemps) p.60 : deux strophes de huit vers, c’est presque un haïku.
– (34) A handful of honeysuckle, a dialogue, p. 40
– (35) Ibid., une ballade des amants perdus.,p.
– (36) Ibid. , , a pastoral, p. 28
– (37) A handful of honeysuckle, Lethe, p. 59 : come with me to Lethe-lake / come, since Love is over..
– (38) Ibid , Death’s paradise p. 41
– (39) Ernest Tissot, Princesses de lettres , Paris, Payot, ± 1909, p. 250
– (40) Revue de Paris 1er novembre 1900) p. 149).
– (41) A handfull of honeysuckle , Fons vitae, p.69
– (42) Ibid.,, p. 47, A grey day : o reach him (Love) that lingers afar.
– (43) Ibid., Love, death and art, p.68
– (44) Ibid., Advent, (L’avènement), p.65
– (45) ibid. Vouloir :
– (46) Seldom has any man, more seldom still any woman, owned the inestimable gift of genius and never made it an excuse for a weakness, a violence, a falling. Not only her works but the memory of her life shall rise up and praise her, who lived without praise so well. (dernière phrase du livre)